À l'époque de la 3D et autres nouveaux effets spéciaux, c'est un pari audacieux et original de réaliser un tel film, muet (ou presque), en noir et blanc, conçu comme un hommage au cinéma des années 1920-1930. Pari réussi. Après avoir signé deux films de la série OSS 117, Michel Hazanavicius change légèrement de registre, passant de la parodie au pastiche, avec talent. On sent qu'il s'est fait plaisir en allant tourner dans les studios hollywoodiens, avec un casting franco-américain, et surtout en revisitant l'histoire du cinéma US. Car The Artist est un film de cinéphile, truffé de clins d'oeil. Le personnage de George Valentin évoque, par son nom, Rudolph Valentino ; par son histoire, John Gilbert, star du muet dont le passage au parlant fut pour le moins difficile ; par son registre d'action, Douglas Fairbanks... Ou encore Fred Astaire dans la dernière séquence. Le scénario, lui, reprend les canons mélodramatiques et comiques de l'époque, avec une naïveté charmante : il développe les thèmes de la grandeur et de la décadence, des destins croisés, de l'amour plus fort que tout... Il fait écho également au scénario de Chantons sous la pluie, dans sa façon d'aborder l'histoire hollywoodienne, au début du cinéma parlant.
Pour la réalisation, Michel Hazanavicius marche notamment dans les pas de Chaplin (les scènes avec le chien, le mime avec le manteau) et n'hésite pas à faire quelques bonds en avant dans le temps, stylistiques, vers le cinéma d'Orson Welles (quelques plans inspirés de Citizen Kane) ou d'Albert Lewin (Le Portrait de Dorian Gray). Autant de références inspirées et inspirantes : le réalisateur imite et crée. Sa mise en scène foisonne d'idées : mise en abyme, effets amusants de répétition (la scène de bal), utilisation judicieuse du son (l'excellente scène du cauchemar), compositions symboliques des plans (la scène de l'escalier), intégration dans le décor de détails qui font sens... La photographie et la BO sont, elles aussi, remarquables.
En matière d'interprétation, Jean Dujardin trouve là un rôle en or, à la mesure de son jeu cabotin. Bérénice Bejo est convaincante également, de même que les "tronches" du cinéma US que sont John Goodman et James Cromwell. On ajoutera une mention spéciale pour le chien...
Au final, The Artist constitue un divertissement soigné et réjouissant. Il s'impose comme un film d'auteur populaire, et c'est peut-être là sa principale réussite.