Il est toujours difficile de juger un PTA après une seule vision ; surtout pour celui-ci, ais-je envie de dire, car il me semble que le réalisateur brouille volontairement la compréhension du spectateur ; ce qui donne une expérience cinématographique intéressante, mais un sacré problème lorsqu’il s’agit d’écrire sur le film !
Cette mise en garde faite, voici l’impression spontanée qui fut la mienne durant la vision : on dirait que le Dude des frères Coen se retrouvait détective privé dans un film noir classique, le tout filmé sous substance !
Le héros, interprété avec toujours autant de talent par Joaquin Phoenix, dans un registre comique jusque-là inexploité, rappelle immanquablement le personnage incarné par Jeff Bridges, dans le physique, les gestes, la voix, et bien sûr le sentiment d’être le jouet de conspirations aussi incompréhensibles qu’absurdes. Est-ce un hasard si ces deux protagonistes ne sont jamais nommés par leur véritable patronyme, mais uniquement par une monosyllabe ? Doc, Dude, même combat ?
Ce détective est donc totalement perdu dans son enquête, comme le spectateur ; mais faut-il vraiment comprendre ? Je laisse la question ouverte. En tout cas, j’ai apprécié certaines parties de ce trip sous acide, dans sa galerie de personnages secondaires loufoques (mention spéciale à Martin Short) et dans son portrait en creux des seventies. Mais je suis resté au quai avec d’autres personnages, et avec d’autres évolution du scénario qui me semblent très artificielles ; je trouve par ailleurs le film un peu trop bavard par moments, par exemple les scènes avec Owen Wilson.
On retrouve ici une Amérique impuissante, perdant ses illusions de l’ère hippie pour être petit à petit remplacée par le capitalisme et la corruption. PTA semble observer ce déclin par une vision double, comme souvent, en confrontant deux personnages à la manière de There Will Be Blood ou The Master. Ici, il s’agit de la dualité entre le Doc défoncé et le flic autoritaire anti-hippie, Bigfoot (incroyable Josh Brolin ! Son meilleur rôle avec No Country ?) ; une dualité qui va évoluer de manière viscérale et trouver une conclusion surprenante mais terrifiante, que je ne spoilerai pas !
Bref, cet Inherent Vice vous déroutera, mais pourrait aussi vous faire rire et réfléchir, et vous donner le sentiment de prendre de la drogue par procuration. Et si c’était ça aussi, le cinéma ?