Un film que je n'attendais pas si inventif. J'avoue, j'y suis allée à reculons. Le coup du hacker qui dévoile un complot en craquant des phalanges, c'est vu et revu. J'avais du mal à croire à un thriller cyber-politique français à petit budget.
Mais Cédric Jiménez fait preuve d'une grande maîtrise et d'imagination. Le scénario, assez prévisible, se retrouve propulsé par les astuces du montage, de la mise en scène et de l'excellente bande-son électro.
Certains trouvent difficile de croire à la marge de manoeuvre démesurée de ce hacker, pourtant il suffit d'imaginer le même film réalisé par une major américaine. Les caméras de surveillance deviendraient des images satellite, la mise en scène virerait épileptique et ne resterait jamais 1H15 dans l'intimité d'une pièce mais céderait probablement au dédoublement de l'intrigue en extérieur avec plans larges et course poursuites infernales. Le hacker serait encore plus jeune et il se connecterait au système de défense des U.S.A. par le biais d'un téléphone soudé à un toaster, toaster qui bien entendu ne manquerait pas à sa fonction première, délivrer des panini et réchauffer les chaussettes sales du dit hacker. Ce film-là a déjà été tourné plus d'une fois et l'action a toujours primé sur la crédibilité.
Ici notre hacker préféré est un peu plus rapide qu'on ne le trouverait crédible pour accéder à toutes les caméras de surveillance et webcams de la ville de Paris. Oui on parle bien de Paris, pas de la France entière. Si difficile à avaler cette pilule quand on la met en perspective ? Et puis attention les mirettes, il mange des restes de pizza, se prend d'affection pour celle qu'il épie et a la modestie d'appeler la police quand on sort les flingues. Un sacré personnage de SF, dites-moi.
Car c'est bien ce qui rend le film passionnant à mes yeux, l'idée de faire du hacker le personnage le plus attachant. Quel talent de faire passer toute l'émotion dans les plans serrés sur les yeux du hacker. Disparues soudain les astuces de multiplication de caméras, le hacker n'est plus de dos mais face à nous, très près de nous même. Il est nous.
Le témoin passif, auquel on ne peut que s'identifier vu la façon dont il est filmé, devient soudain impliqué et décideur du destin de ceux qu'il épie. D'abord par jeu ou par curiosité, puis rapidement par conviction, faisant du spectateur le héros par procuration, justicier anonyme à l'image des "Anonymous" dont le hacker du film porte le pseudo. Les écrans du voyeur s'invitent dans sa réalité, le hacker surpuissant se retrouve désarmé et se voit contraint de s'impliquer pour reprendre le pouvoir. Peut-être un message nous invitant nous, internautes à spectateurs, à moins de passivité.