Nous avons tous fait l'expérience de rencontres et de lieux différents de nos habitudes lors de voyages "in another country". Cet autre pays, c'est ici une station balnéaire coréenne, et c'est une française qui fait l'expérience du voyage. Hong Sang-Soo présente une sorte de triptyque très poétique, comme trois variations autour d'un même thème. On retrouve, au long des trois histoires, les mêmes acteurs, les mêmes motifs, les mêmes lieux, mais avec des nuances, des inversions, des petites variantes qui ouvrent petit à petit les possibilités. La poésie nait de ces variations qui éveillent le regard sur des éléments tout simples, des éléments du quotidien qui prennent des valeurs multiples : un parapluie, une tente, un phare, une bouteille, ... Ce que je trouve très intéressant, c'est d'avoir simultanément des répétitions et des variations. A travers cette forme originale, Sang-Soo explore le thème de la communication : la française et les coréens doivent utiliser un anglais approximatif pour se comprendre. De là nait un certain humour (l'imitation du phare est un grand moment), une certaine cruauté parfois (les coréens critiquent la française devant elle, sachant qu'elle ne parle pas leur langue), un certain ennui aussi (des scènes de blabla approximatifs un peu trop longues), mais au final un langage des corps, des gestes, qui exprime plus de choses que les mots. On peut voir certaines différences aussi entre la culture française et coréenne, toujours en légèreté, mais ce thème n'est pas vraiment approfondi. Je crois que le cinéaste s'intéresse plus à la question de l'amour et du hasard. A travers les variations des trois histoires, il nous offre une pluralité de points de vue sur le sentiment amoureux, toujours léger, sans prétention à un message univoque. C'est surtout, à mon avis, une façon d'explorer les possibilités d'un cinéma pluriel. Rappelons-nous que ces histoires sont des scénarios de court-métrage imaginés par une jeune fille elle aussi en vacances. C'est donc une mise en abyme du septième art que le cinéaste coréen propose. Un cinéma qui peut recréer à l'infini des mêmes situations, des mêmes personnages. Au final, quand le film se clôt, il nous laisse mine de rien avec un sens totalement ouvert aux interprétations. Il y a plusieurs scènes dont l'interprétation est laissée à la subjectivité du spectateur (
la lettre écrite au maitre-nageur, l'amant attendu sur la plage, la relation consommée ou non dans la tente
). Au final, nous ne pouvons pas déterminer avec certitude l'identité de ce film : était-ce trois facettes de la même femme? Trois femmes différentes qui voyagent l'une à la suite de l'autre? Des rêveries faites par une même femme? Finalement, avec "in another country", le cinéma devient un pays où tout est possible.