Grâce à l'usage récurrent de la caméra à l'épaule, qui permet de suivre au plus près les errements du personnage principal, Portrait au crépuscule profite d'une mise en scène nerveuse. Le directeur de la photographie Eben Bull a par ailleurs préféré ne pas recourir aux éclairages artificiels, de façon à faire surgir du mieux possible la beauté dans des situations naturelles. En découle une atmosphère naturaliste.
Effectué avec peu de moyens et avec une équipe réduite, le tournage de Portrait au crépuscule s'est avéré très difficile pour la réalisatrice Anguelina Nikonova. Pour raconter son expérience, elle compare sa sensation au film Le Cirque de Charles Chaplin, où Charlot doit marcher sur une corde comme un funambule, entouré de singes qui lui mordent le nez et cherchent à s’introduire sous ses vêtements, tandis qu’il cherche à garder l’équilibre !
Portrait au crépuscule est le premier long-métrage de la jeune Anguelina Nikonova, réalisatrice du court-métrage documentaire Flyover Country (2005).
Portrait au crépuscule a été conçu et développé par les deux amies Anguelina Nikonova et Olga Dykhovitchnaia, toutes deux scénaristes et productrices du film. Alors que la première a réalisé ce projet, la deuxième a choisi d'en interpréter le rôle principal.
Anguelina Nikonova explique que la situation du cinéma en Russie n'est pas du tout favorable aux femmes. Dans ce pays qu'elle considère "machiste", ses scénarios étaient déjà très populaires, mais personne n'a voulu lui donner sa chance pour les réaliser. Les producteurs pensaient qu'elle serait incapable de gérer une équipe majoritairement masculine, et qu'elle pourrait avoir des "crises hormonales" en plein tournage : "Il n'y a pas eu moyen de les persuader. J'ai même essayé de colorer mes cheveux en noir", se remémore-t-elle.
En 2011, Portrait au crépuscule a fait le tour des festivals : il a ainsi été sélectionné aux prestigieux festivals de cinéma de Venise, Toronto et Londres. Parmi ses récompenses, le film compte pas moins de six prix, remportés aux festivals de Reykjavik, Varsovie, Cottbus, Thessalonique, Estoril et Honfleur.
Parmi les nombreuses scènes fortes du film, une d'entre elles a en particulier retenu l'attention des spectateurs au cours des différents festivals. Il s'agit du moment où la protagoniste cherche à récupérer son passeport dans un commissariat de police. D'abord indifférente, la policière à laquelle elle s'adresse finit par répondre à sa requête de la manière suivante : "Mais tu nous obliges à réfléchir ! Tu nous obliges à travailler !". Ce moment tragicomique, cristallisant un des thèmes principaux du film (l'indifférence), a tellement impressionné les critiques que la réalisatrice a été invitée à envoyer cette séquence à la sélection du Festival de Cannes, en tant que court-métrage indépendant.
Avec Portrait au crépuscule, Anguelina Nikonova a cherché à exposer de manière crue les problèmes de la société. Elle révèle sa vision très pessimiste sur l'état actuel des choses : "On ne peut pas faire semblant, ignorer que la situation sociale n'est pas bonne. Beaucoup de Russes aujourd'hui, s'ils le peuvent, créent leur propre petit monde : ils font des travaux dans leur appartement, s'achètent une voiture, portent de belles chaussures. Mais quand tu sors de chez toi et que tu mets les pieds dans la rue, il n'y a que des tas de merde."
La réalisatrice avoue que les réactions au film ont été extrêmes, et que plusieurs spectateurs russes ont été "énervés" par cette "forme très agressive d'art", d'après la cinéaste. Le moment le plus controversé de l'histoire est celui où la protagoniste, après avoir été violée, cherche à avoir des rapports sexuels fréquents avec son agresseur, comme forme de "service social", parce qu'elle estime que cet homme est "juste un gamin élevé dans une famille instable."
Anguelina Nikonova est persuadée qu'elle n'aurait jamais pu faire Portrait au crépuscule avec des conditions aussi limitées, si elle n'avait pas accumulé tant de désespoir dans son parcours. Elle affirme aussi qu'il est "hors de question" de rester assise et d'attendre à nouveau, et c'est dans cette optique qu'elle prépare déjà un nouveau projet, une comédie qu'elle compte tourner à New York.
Le film a été tourné à Rostov-on-Don, ville au sud de la Russie où est née la réalisatrice Anguelina Nikonova.