Quel intrépide ce James. Il peut bien se battre dans un hélicoptère en dessus d’une ville en pleine fête nationale, lui faire faire un joyeux looping et finir sa trajectoire en retournée acrobatique, il n’en mourra jamais. C’est peu dire si il n’a pas de problèmes cardiaques, ce James. Le mythe a plusieurs visages, et ce depuis maintenant plus de cinquante ans. Il y’a eu des hauts comme des bas, puis parfois des biens hauts et des trop bas. Alors les acteurs se sont transmis le flambeau, de génération en génération les visages et les corps se sont métamorphosés, les bouches ont accueilli les fumées de cigarettes tueuses et le calvaire alcoolisé. « Spectre » a bien l’honneur de nous rappeler tout cela, c’est certain. On perd le sérieux et l’envie talentueuse de réaliser autre chose que tout ce qui a déjà été fait pour se concentrer sur les attractions de l’homme, sur ses amusements, ses joies et un peu sur ses peines. Mais pas beaucoup, attention de ne pas dépasser la ligne rouge et de faire une fixette sur ces dernières, sinon on dira que cet opus ressemble trop au précédent. Alors on voyage de pays en pays, rencontre caricatures sur caricatures (Bautista en gros-bras qui ne sait dire qu’un mot, Bellucci en veuve ayant soudainement perdu tout caractère et étant aussi plate que du saumon fumé ou que de la limande desséchée, Waltz plus endormant que saisissant, avec des dialogues inefficaces) barbantes, et on ne peut savourer le fait que de regarder un produit pas fini portant un nom de franchise extrêmement célèbre. Car « James Bond », si ce n’est une industrie flamboyante au niveau économique, est avant tout une marque, un produit, un objectif à atteindre. Sauf que, gros problème, l’objectif ne se veut pas être basé sur la qualité mais sur le prix que ça rapporte. Et il y’a toujours eu du bénéfice, et encore plus aujourd’hui. Une situation s’est mise en place, et ce surtout cette année, c’est la grande influence dans les salles de reboot ou de suites de films cultes, tels les « Terminator », « Jurassic World » voire même « Mad Max ». Eh bien ce vingt-quatrième Bond se rate sur autant de points que les deux premiers noms de la liste. Les interprètes possèdent aussi peu de consistance que le scénario, ce dernier est parfois mineur, parfois trop dans le rocambolesque, puis surtout trop dans l’excès, cela donne un ton purement grossier à certaines scènes. C’est irritant car on observe en même temps toute l’ingéniosité technique qui est mise en place pour donner un minimum de sérieux à un projet qui en manque affreusement au niveau de l’écriture. Certains dialogues sont dignes d’une parodie idiote, voici tout le grotesque de la chose. On n’aurait jamais pu penser à ça avec « Skyfall », qui était bien plus réussi sur tous les niveaux. L’ennui est que « Spectre » se veut trop tendre, en plongeant dans un humour forcé et quelques fois amusant à contempler, mais bien rarement drôle. Alors on s’ennuie : certains plans sortent du lot (scène de départ répercutée par tous les échos, mais heureusement ce n’est pas la seule) mais la plupart ont comme une béquille qui fait marcher le film de travers. Certains plans passent trop pour du rajout inutile, comme ces scènes coupées lentes et sans vie présentes dans les éditions DVD de certains films, qu’on se force à regarder, dans l’espoir de voir quelque chose qui pourrait nous surprendre, mais rien n’en fait. Une production en plus dans la « digne » lignée des « James Bond », qui possède de bons atouts mais qui sont, au final, très mal utilisés. Rendez-vous diablement manqué.