"Triple 9" était sans aucun doute l'une de mes plus gros attentes de l'année 2016. Les images du long-métrage (affiches et bande annonce) étaient superbes et promettaient un grand film de braquage, sombre et dense. N'ayant pu le voir au cinéma à mon grand désespoir je me suis rabattu sur la sortie de vente, pour être dans de bonnes conditions. L'attente valait-elle finalement le coup ? Mon avis est mitigé.
Sortant à chaud du film, je ne peux qu'exprimer une certaine frustration. John Hillcoat a réalisé "Des hommes sans loi", que j'avais particulièrement apprécié, et "The Proposition", un western crépusculaire intéressant. Il s'attaque ici au polar et au film de braquage. "Triple 9" avait du potentiel. J'espérais une fresque noire et violente dans le monde urbain des cartels et de la corruption, je suis resté sur ma faim.
Tout d'abord, tout n'est pas à jeter. La réalisation de John Hillcoat est dynamique, plutôt correcte et livre de belles séquences d'action. Les braquages sont surement les plus réussies. La BO composée par Atticus Ross accompagne quant à elle plutôt bien l'ensemble mis en scène, mais ne saura dépasser le simple élément anecdotique. La reprise de "Pigs" de Cypress Hill reste tout de même excellente ; selon moi, une bande sonore urbaine couverte de basses aurait aidé le film.
Ensuite, le postulat de base est intéressant et intelligent. L'histoire se veut comme chorale, nous présentant de multiples personnages. Là est le point faible du long-métrage. Chaque protagoniste et antagoniste n'est qu'un archétype. On ne sent une réelle profondeur psychologique chez eux, aucun attachement ne se met en place. De même, pour cause de cette faiblesse d'écriture, ils sont vite remplaçable. Ce qui enchaîne avec le second point faible : son casting. Lorsque l'équipe du film a été annoncée, je me disais que l'on allait avoir un nouveau film culte, un nouveau polar atteignant des sommets. Ce n'est pas le cas. Si Casey Affleck ("Gone Baby Gone") et Chiwetel Ejiofor ("Doctor Strange") s'en sortent grâce à des rôles plus développés, Norman Reedus ("The Walking Dead"), Aaron Paul ("Breaking Bad") et Clifton Collins Jr ("Pacific Rim") sont en retrait. Non pas que leurs performances ne soient convaincantes, mais elles ne se démarquent pas de leur jeu habituel. Anthony Mackie ("Captain America") s'en sort convenablement, de même pour la cabotinage de Woody Harrelson ("True Detective"). Kate Winslet ("Last Days of Summer") et Gal Gadot ("Wonder Woman") sont plutôt bonnes elles aussi, mais ne sont crédibles dans la peau de mafieuses russes. Certains acteurs ne servent même en rien à l'histoire, leur nom sur l'affiche n'est qu'un coup publicitaire.
L'histoire écrite par Matt Cook manque de profondeur, d'enjeux forts et bien traités, tout n'est qu'artificialité, comme cette fin. Cette fin frustrante, nette, choquante. Mais paradoxalement, je ne me suis pas ennuyé. Si certes une baisse de rythme se fait ressentir en milieu de déroulement, l'ensemble est cohérent, plutôt bien amené et offre une esthétique de la laideur sympathique. Le milieu urbain dépeint m'a fasciné, mon genre cinématographique favori étant le polar. Les cartels, les bars, les postes de police, tout ces décors sont exploités et créent une ambiance prenante. La mise en scène n'est pas novatrice mais divertit, la réalisation filme tout cet ensemble chaotique et déprimant de manière brutale et mouvementée.
La réflexion qu'apporte John Hillcoat sur la société est particulièrement sombre et froide, la corruption atteint tout le monde laissant au passage de nombreux cadavres. Chacun doit se salir pour faire son devoir, les multiples facettes des antihéros sont là pour amener l'ambiguïté dans le film.
"Triple 9" est au final une œuvre imparfaite, non pas dénuée d'intérêt mais qui manque d'une profondeur scénaristique. En tant que divertissement le film se laisse regarder, mais si l'on veut voir un nouveau tournant dans le genre il faudra se contenter du classique de Michael Mann ou du très réussi "The Town" de Ben Affleck. Frustrant mais divertissant, "Triple 9" fera parti des films qui m'auront le plus mitigé.