Le candide et l'enfant terrible. Isabelle Adjani et Alain Souchon sont réunis au service d'une intrigue prenante de bout en bout, qui nous font oublier les deux heures et quart que dure L'Eté meurtrier. L'ambiance est délicieusement rétro (aujourd'hui), dans cette vieille France du Sud où l'on sort à la boîte du village pour rencontrer les jeunes filles et garçons que l'on connaît déjà ("c'est le fils du mécano, c'est le fils du barman, la fille qui habite telle maison..."), avec les rues gorgées de vieillards assis sur les bancs, canne à la main et commérages au bout des lèvres, des histoires de famille que personne n'oublie... Dans ce cadre bucolique qui nous enchante et nous fait soupirer de bonheur, se rencontrent pourtant un couple digne des plus tristes tragédies grecques : celle du mécano (Pin Pon) et de la fille "de père inconnu" (ou plutôt, tout le monde a son idée - horrible - sur l'identité du père) qui a un caractère d'enfant terrible. Cette dernière, en cherchant à faire la peau à celui qui a autrefois violé sa pauvre mère, entraînera le jeune naïf épris d'amour dans une descente aux Enfers qui nous fait mal au cœur, et dont on est divisé sur l'issue : on voudrait tellement savoir l'identité du père (une enquête bien menée avec une suite de rebondissements finaux impressionnants pour un si modeste film français), mais on voudrait aussi que la jeune fille s'arrête par égard pour Pin Pon... On est donc pendu au film, les yeux rivés sur ce qu'il adviendra, presque dépendant (accro) à l'intrigue et à ses retournements de situations très aboutis. L'Eté meurtrier fera donc partie des films que l'on ne peut voir qu'une fois pleinement, du fait de son fort suspens (qui ne prendra plus les fois suivantes), mais quel visionnage. On ne s'attendait pas à autant aimer ce film de passion et haine sur fond de vieille France, avec une Isabelle Adjani délicieuse à être aussi odieuse (on voudrait gifler son personnage tous les deux mots, un exploit) et si peu gênée de jouer nue (sans que cela ne soit gratuit, cela fait partie de la vulgarité de son personnage), avec un Alain Souchon qui n'est pas là pour gratter la mandoline et s'offre un rôle d'acteur solide (un jeune homme attachant et qui nous fait bien pitié dans sa sincérité candide), vraiment un bon film, à ne pas manquer. Le duo et le scénario valent amplement le détour, en Delahaye pétaradante.