Donc Netflix se lance dans le film d'animation, qui plus est, dans le film d'art et d'essai ––et comme par hasard, c'est une réussite. On n’est pas devant un film banal, comme le montre simplement le fait qu’on se souvienne longtemps après des images, des sons, des situations. C’est un film original, beau et gonflé (dans le sens audacieux, casse-cou). Synopsis : une main cherche son propriétaire, tandis que lui cherche la fille qu'il aime. Déjà ça, c’est extraordinaire, mais il y a plus. L’originalité de l’image, la musique, l’originalité des situations (le coup de foudre du garçon est des plus inattendus). L’esthétique des images. Il vaut mieux être un rêveur pour apprécier, ou au minimum aimer les bandes dessinées, l'animation ––pour un avant-goût, aller voir d’abord le court-métrage "Skhizein" sur YouTube, du même réalisateur il y a dix ans (ça dure juste quelques minutes, c'est mieux qu'une bande annonce). Deux histoires d'amour donc. Tous les deux cherchent. Lui, parle et philosophe. Elle, ne parle pas, mais elle agit (seulement de ses cinq doigts), se remémore, pense, se défend. Plus une mouche toute bête, du début à la fin, dont le rôle dramatique se précisera. Mais ça ne s’arrête pas à ça. Car les auteurs, en plus de leurs rêveries fantastiques et / ou romantiques, ont des rêveries philosophiques. A la limite du sulfureux parfois. Il est ainsi beaucoup question du destin. Et de la conjuration du destin, quitte à frôler l’exploit suicidaire pour se sortir de l’ordinaire. Ces gens ont autre chose à faire que de suivre les autres, c’est le concept du film, qu’il s’agisse des personnages (la main ou le garçon) ou des auteurs (scénariste et réalisateur font vraiment la paire). Parmi les spectateurs, il y en aura donc qui se sentiront concernés par le concept, d’autres non. A.G.