Alors, la seconde d'après, le coup fut tiré. Le moment suivant, la surprise explosa en se propageant, tel un courant d'air libéré par ce spectateur qui avait oublié de prendre ses soins et qui avait ouvert la porte du couloir menant aux toilettes, ratant ainsi un passage clé d'un morceau de l'oeuvre cinématographique de Denis Villeneuve. Un morceau pour lequel il eut le plus grand mal à en tirer quelque chose "d'acceptable" pour son regard critique. Donc oui, le ton de ce film en particulier donne au spectateur un rendu très professionnel, rien que dans ce choix serré des angles ou dans ce scénario faisant prolonger jusqu'au bout le sentiment de danger, qui s'instaure dès une ouverture qui, déjà, fait sauter murs et frontières imposés par la caméra. Le même metteur en scène n’avait pas autant réussi sa sauce « tension » qu’avec le saisissant et (déjà) réussi « Prisoners ». De nouveaux acteurs viennent travailler à ses côtés, Blunt, Brolin et le sommet ultime du trio : l’imperturbable et grandiose del Toro, qui prouve une fois de plus à quel point il peut parvenir dans n’importe quel genre de rôle à se donner au maximum. On contemple du ciel l’organisation de véhicules : le plan de l’armée américaine, alliée de la police mexicaine pour l’occasion, se met en place. Des plans techniques filmés en pleine autoroute, bondée par les carcasses à l’arrêt des citoyens qui se questionnent sur ce qui se passe. Le parti pris est fort, virulent et surprenant : on se retrouve à craindre l’autre face du visage, celle en laquelle on est censé avoir confiance. Les pistes sont brouillés avec brio et grand talent par une équipe technique dont on sent l’investissement, tout est fait pour amener une ambiance singulière, comme dans un brouillard matinal, avec ses gouttelettes d’eau sous pression qui viennent se déferler sur votre visage pour perturber votre vision. Tout est fait pour tenter de donner une autre opinion, et ce en nous insérant de force un regard neuf sous la visière. Le ton est violent dans l’extrême, l’univers, symbolique et sans remords, est à en perdre son souffle. Une oeuvre poignante et réussie, qui possède l’audace de provoquer une polémique lors de sa sortie nationale. Ce qui est, soyons clairs, plus que probable.