A plus de quatre-vingts ans, Claude Lherminier est ce qu'il convient d'appeler un vieux beau. Cet ancien chef d'entreprise a certes conservé toute son élégance et son charme, mais sa tête lui fait défaut. En d'autres termes, il est atteint de la maladie d'Alzheimer. Pas question pour autant de quitter sa belle et vaste demeure surplombant le lac d'Annecy, d'autant qu'il reçoit les visites régulières de sa fille aînée, Carole, et qu'il est assisté par une aide ménagère qui se lasse toutefois des caprices de Monsieur. Les choses vont bien sûr empirer et le scénario suit l'évolution de la maladie avec tout ce qu'elle peut comporter à la longue d'ingérable. Le film, adapté d'une pièce de théâtre de Florian Zeller, se présente comme une comédie, mais une comédie douce-amère où le rire se heurte souvent à une certaine forme de tristesse qu'engendre la pitié. De même qu'au théâtre c'était un immense comédien, Robert Hirsch, qui avait incarné le personnage de Claude, de même le rôle au cinéma ne pouvait qu'être attribué à un acteur d'exception, en l'occurrence Jean Rochefort. Philippe Le Guay, on le sait, aime passionnément les acteurs. On connaît sa collaboration exemplaire avec Fabrice Luchini ; ici il met en scène avec un plaisir évident cet acteur de génie qui, comme Hirsch ou Luchini, peut aussi bien interpréter les rôles légers qu'incarner des personnages graves et fragiles. Mais ici il convient de parler de binôme car, si Rochefort est l'acteur que l'on sait, il ne pouvait qu'être confronté à une actrice qui depuis pas mal de temps a fait ses preuves, Sandrine Kiberlain. Bien sûr le "beau rôle" - si l'on peut dire - revient à Jean Rochefort, mais sa partenaire ne démérite pas, loin de là. Et puis il y a les rôles secondaires que tout metteur en scène de talent sait mettre en valeur. A ce sujet, mentionnons tout particulièrement Anamaria Marinca que l'on a vue naguère dans des rôles éprouvants et qui affirme ici une belle personnalité en donnant à son personnage toute l'ambiguïté qui convient. De même, Clément Métayer qui, avec sa jeunesse et sa désinvolture, sait dédramatiser quand il le faut des situations inquiétantes. Il faudrait encore évoquer l'importance des lieux retenus pour le tournage : le lac d'Annecy aussi magistralement filmé que dans ce chef-d’œuvre qui appartient à la mémoire du cinéma, "Le genou de Claire" d'Eric Rohmer ; et la Floride qui, avec son ciel bleu, ses palmiers, ses bords de mer, évoque le rêve insensé de Claude, ses illusions de Don Quichotte à l'esprit ravagé par la maladie. Un film par conséquent qui a tout pour attirer un vaste public en même temps qu'il amène les spectateurs à se confronter à l'évocation d'une hantise des temps modernes, la maladie d'Alzheimer.