Avec déjà une longue liste de brillants documentaires à son actif, Sébastien Lifshitz a cette fois décidé de suivre deux adolescentes françaises sur une durée de cinq ans, de la sortie de l’enfance à la majorité : deux jeunes filles qui habitent un endroit “neutre”, Brive-la-Gaillarde, ville moyenne léthargique de province, amies proches dont les liens vont peu à peu se distendre, sans heurts ni fracas, en laissant au spectateur le choix d’y voir le hasard ou une forme de déterminisme social, l’une étant issue d’un milieu très populaire et l’autre de la classe moyenne supérieure. Le passage du temps est subtilement défini par les moments forts qui ont marqué l’actualité française de ces dernières années, sans appuyer sur une temporalité qui peut accélérer ou ralentir sans que le spectateur puisse la mesurer précisément. Au fil des expériences scolaires, familiales ou sentimentales, qu’elles soient positives ou négatives, on observe avec intérêt leurs personnalités éclore et prendre peu à peu leur envol. Anaïs, celle qui semble avoir eu le moins de chance à la loterie de la vie est une battante, résiliente et lumineuse, tandis que Emma, dissimulée sous un spleen insaisissable, se construit dans une étrange passivité, par le renoncement stoïque plutôt que par la conquête. Le procédé rappelle évidemment celui de ‘Boyhood’, qui aurait troqué les artifices de la fiction pour ceux du montage et y aurait gagné les accents de vérité qui manquaient à Richard Linklater...mais le grand point fort de cette chronique d’une adolescente française ordinaire est l’énorme empathie dont le documentariste, qui se cantonne strictement à son rôle d’observateur, fait preuve envers Anaïs et Emma, empathie qui gagnera immanquablement le spectateur, qui sera amusé, surpris, irrité ou ému par le miroir que lui tendra cette génération 2010, pas si différente de tout ce dont il parviendra encore à se souvenir...et le sera d’autant plus s’il est lui-même possesseur d’une adolescente de cet âge à la maison.