On ne peut pas voir ce film sans connaître l’histoire, car le film ne la raconte pas. En même temps, ce n’est pas nécessaire : ce qu’il y a à comprendre et à ressentir, c’est la grandeur et la faiblesse des hommes quand ils sont jetés dans un conflit, que certains subissent, que d’autres veulent gagner. La souffrance, la solitude, l’hygiène, la peur, la faim, la méfiance, côtoient en permanence la force, l’entraide, le courage, le sacrifice, la confiance. C’est la guerre vue de l’intérieur des âmes. Dunkerque 1940 est juste un prétexte. On sort du film comme on y entre, sans introduction, sans conclusion. Il y a juste une double trame qui est celle de soldats pris au piège, vaguement défendus mais surtout attaqués, et qui est celle aussi de civils anglais qui vont en chercher certains avec leurs esquifs personnels. Il n’y a pas de voix-off qui radote derrière, il n’y a pas de transfiguration, il n’y a pas de réquisitoire, ce n’est pas Malick, ce n’est pas Gibson, ce n’est pas Kubrick. Il y a juste une caméra qui s’efface pour ceux qui ne s’en sortent pas, et une tasse de thé à la fin pour ceux qui s’en sortent. C’est du brut. Enfin quasiment du brut, car la réalité était sûrement pire : là, les sentiments restent dominés, le bien est toujours plus fort que le mal (c’est d’ailleurs le point négatif du film). Côté mise en scène, c’est exceptionnel, on n’imagine même pas la difficulté de réunir tant d’équipements militaires d’époque. Côté acteurs, les rôles principaux sont tenus par l’inhumain matériel et l’ubuesque débâcle... Mais Mark Rylance incarne bien la détermination des petits (il vaut mieux l’entendre en VO) ; Cillian Murphy de la série Peaky Blinders incarne bien le soldat traumatisé (ça a dû le changer) ; et le film reste emporté dans sa dimension fragile par un nouvel acteur (Fionn Whitehead). Drôle de début pour Harry Styles.