On nous raconte l’histoire de Thelma qui provient d’une famille à la morale traditionnelle, quitte le nid familial pour aller à la fac, connaît un coup de foudre pour une fille dénommée Ajna. La contradiction entre ses valeurs et cette attirance provoque une crise de tremblement, au cours de laquelle on lui découvre des pouvoirs paranormaux.
Ce film est très bon mais contrairement au référencement, il n’appartient à la science-fiction, ni de près, ni de loin. Il serait plus exact de le catégoriser comme un thriller fantastique.
C’est une œuvre à double lecture : littérale et métaphorique. Sur le plan littéral, c’est un thriller dévoilant les pouvoirs de Thelma et ses implications.
Sur le plan métaphorique, c’est la découverte et la gestion d’une sexualité refoulée. Les manifestations surnaturelles étant utilisées pour expliciter la psychologie de l’héroïne.
Le film maintient régulièrement l’attention avec un rythme correct. Il instille une certaine ambiance et il m’a délivré des moments intenses. La réalisation n’est ni trop sobre, ni trop grandiloquente et apporte un traitement fin et élégant au sujet.
Dans cet opus, le symbolisme mobilise des concepts Freudiens très courants : à cause de de l’interdit social, Thelma refoule le désir lesbien dans la partie inconsciente de son esprit. La rencontre d’Ajna réveille le désir amoureux de Thelma qui entre en contradiction avec le refoulement. Il en résulte une mise en scène de l’auto-répression du désir par une crise de spasme. Par extension, on nous montre le caractère erratique des pulsions, envies ou besoins de l’individu de manière générale par opposition à la conscience ou raison. Thelma a donc des difficultés à appréhender sa nature autant que ses pouvoirs. A propos de désir amoureux, les scènes intimes sont très pudiques.
A l’origine des difficultés de Thelma, il y a la culture de son milieu familial. Plus particulièrement, c’est sa relation avec son père qui est privilégiée par le récit. L’écriture de ce personnage évite la caricature du bigot pétri de certitude, ainsi, le paternel y gagne en humanité. En fait, c’est un homme indécis et perclus de contradiction. A priori il est bien intentionné mais joue un rôle négatif de par l’éducation transmise et la dépendance que cela induit.
Avant de poursuivre je précise que l’interprétation de cette œuvre est simple dans les grandes lignes, mais elle peut-être subjective dans les détails.
Le serpent est utilisé dans une symbolique du désir, de la tentation. Une tentation rendue possible par la liberté récente de Thelma. Le motif de la peau de crotale me semble être employé dans le film pour signifier la tentation. A moins qu’il ne s’agisse d’une coïncidence.
Exemple : dans la piscine, le motif tacheté du revêtement des gradins derrière Ajna
Les valeurs traditionnelles et la contrainte se traduisent par les corbeaux, une métaphore filée au moment du ballet, par les hommes en noirs qui font obstacles à une personne dénudée, représentant nécessairement la chair.
Au cours du film, elle recrachait le serpent (désir), à la fin elle recrache le volatile (la tradition oppressante).
Plusieurs scènes montrent la difficulté à céder au désir. Dans l’opéra, le risque de chute du lustre matérialise la peur de Thelma de s’abandonner aux sensations physiques. Elle craint de se lâcher.
Afin de montrer que le désir est une pulsion qui se heurte à un obstacle psychologique, on nous montre une scène surréaliste :
Thelma est aspirée au fond d’une piscine, comme si la gravité était inversé, la paroi du fond semblant être en haut, elle semble vouloir passer au travers et s’agite en vain contre la paroi
, ce qui semble illustrer l’impossibilité pour le désir à émerger et sortir de l’inconscient. Par voie de conséquence, la nage dans les profondeurs obscures représenterait l’exploration de l’inconscient. De pars ailleurs, de nombreuses scènes du film nous montrent des faits se produisant sous l’eau, réitérant la notion d’inconscient ou concourant à l’unité de style du film. Les interprétations sont libres…
Au cours de la dernière partie du film, dans un lac, Thelma replonge au fond de l’eau, dans des profondeurs obscur, mais cette fois elle « atteint la lumière », puis elle résout son problème. Les deux scènes au fond de l’eau se font écho ; elle réussit ce qu’elle avait échoué précédemment et parvient à la libération.
Pour en revenir aux généralités, le réalisateur concède une inspiration tirée de romans de Stephen King, notamment Carrie, on retrouve effectivement des thèmes communs dans Thelma. Pour ceux qui ont vu le film « Carrie le bal du diable », Thelma apporte un traitement, un récit, un environnement et une ambiance fortement distincte. Ce fut un réel dépaysement en somme.