Il y a deux aspects à Pentagon Papers, le premier c'est ce côté virtuose, où Spielberg arrive réellement à mettre en scène l’ébullition au sein de la salle de rédaction, parce que contrairement à Spotlight et ses champ contre champ d'une pauvreté abyssale, ici la caméra bouge avec les personnages, on les suit se mouvoir, cogiter, ce qui donne réellement l'impression d'y être. Les travellings sont moins stoïques que dans les Hommes du président et on sent (un peu) le chaos qui doit régner dans ce genre d'endroit. On a même droit à quelques travelling avant d'une rapidité folle qui viennent encore rajouter à l'urgence de la situation un côté un peu inquiétant, on n'est presque pas très loin d'Evil Dead...
Malheureusement il y a aussi les écueils propres à Spielberg et là ça va rejoindre l'autre aspect du film, c'est qu'il ne sait pas être sobre. Lorsqu'une femme annonce au téléphone ce qu'a statué la Cour de Justice sur l'affaire en cours on a droit à un travelling avant qui parcours la salle jusqu'à qu'elle soit en gros plan, avec de la musique derrière, comme si, tout à coup, Spielberg se jouissait dessus d'être aussi pompier.
Et donc ça rejoint l'autre aspect du film qui est le message qui est convenu au possible sur la liberté de la presse. D'ailleurs j'ai envie de citer l'article de Médiapart qui disait « Spielberg a toujours eu ou affiché avoir le cœur à gauche. Il a toujours été du bon côté, en dépit de sa réussite précoce et proprement phénoménale. » Et c'est étouffant. Parce que oui c'est manichéen, Nixon c'est un vilain pas beau, surtout que le film se conclut sous l'ombre planante du Watergate. Franchement, aujourd'hui, revenir là-dessus, pour dire que la guerre du Vietnam ce n'est pas bien, que Nixon il est vilain, c'est un peu grossier et surtout inutile. C'est enfoncer des portes ouvertes. Il y avait moyen d'être un tantinet plus subtil, histoire d'être un tout petit peu plus pertinent dans le discours. En fait c'est un peu comme Lincoln, l'idée est bonne, mais c'est gâché par la dose de bons sentiments « de gauche » qui viennent finalement rompre avec la réalité. Parce que oui, certes c'est du cinéma, présenter tout ça sous un jour aussi gentillet ça donne juste envie de se méfier.
Mais, effectivement il y a des parallèles à faire avec l'actualité, que ça soit le côté lanceur d'alerte où on va donc forcément penser à Snowden, où l'aspect plus Howard Hawks avec la femme dans un milieu d'hommes qui va tenter de faire imposer sa décision. Sauf que ce n'est pas du Howard Hawks, tout comme Lincoln n'était pas du John Ford. Ici Meryl Streep, qui tourne dans son premier bon film depuis Adaptation., est faible, c'est une héritière, elle est là à ruminer le fait de ne pas être assez forte pour assumer cet héritage, on la voit préparer une réunion où finalement elle n'arrive pas à prendre la parole... avant bien entendu à la fin du film de s'imposer et de prendre la « bonne décision » parce que c'est dans l'âme du journal, blablabla. Mais la première fois qu'elle prend la décision de publier les Pentagon Papers ça semble limite être un tir à pile ou face, aucune conviction, comme si elle voulait juste essayer, pour voir, au hasard... Donc elle n'est pas une femme forte, les hommes obéissent juste parce que c'est elle qui est au-dessus et qui doit signer les chèques à la fin du mois, c'est donc assez gênant à voir... parce qu'elle est inutile et il n'y a pas réellement d'accomplissement, c'est juste qu'elle n'a pas de personnalité et qu'elle récite juste un mantra sur la liberté de la presse...
Tom Hanks est pour la première fois de sa vie (avec Arrête-moi si tu peux) pas totalement insupportable, c'est à noter.
Bref, le film est bien mis en scène, même si ça frôle avec l'art pompier par moments (et avec grandiloquence), mais c'est un peu gentillet. Quitte à risquer à ce que notre vie soit atroce, on risquerait presque à l'aimer... un temps du moins.