Diplômée de la Femis, section scénario, en 2014, Léa Mysius a présenté "Ava", son premier long métrage en tant que réalisatrice (et scénariste !), à la Semaine de la Critique du dernier Festival de Cannes et ce film s’y est vu attribuer le Prix SACD. Auparavant, Léa Mysius s’était fait connaître par la réalisation de 3 court-métrages, tous primés dans divers festivals, et par sa participation à l’écriture du scénario de "Les fantômes d’Ismaël" d’Arnaud Desplechin.
13 ans, les vacances d’été au bord de la mer dans les Landes, la plage, une lumière éclatante, une mère très libre, très compréhensive mais également très envahissante et irresponsable : presque tout semble réuni pour que ce mois d’août représente une période de bonheur intense pour la jeune Ava. Sauf qu’Ava souffre d’une maladie dégénérative, la rétinite pigmentaire, et qu’un médecin vient de lui apprendre qu’elle allait perdre la vue plus vite que prévu. Comment vivre ce qui sera peut-être, sans doute même, son dernier été de lumière, comment affronter ce problème de la perte prochaine d’un sens essentiel, comment renforcer ses autres sens, alors même qu’elle est à l’âge où s’annonce la perte de l’adolescence, à l’âge où elle doit construire son corps d’adulte, à l’âge où se manifestent pour elle les premiers appels de la sexualité ? Il y aurait vraiment matière pour elle à sombrer dans une noirceur absolue qui ne serait pas seulement celle vers laquelle ses yeux vont la conduire si ne survenaient pas la rencontre d’un grand chien noir et celle de Juan, un jeune et beau gitan que tourmente la police locale.
Pour la réalisation de ce premier long métrage, Léa Mysius a décidé de tenter un pari audacieux : le mélange des genres. En effet, elle a fait commencer son film par un épisode naturaliste racontant l’histoire d’une adolescente qui a le sentiment de ne pas trouver sa place dans la société, qui a l’impression que personne ne la voit, et elle le fait progressivement glisser vers un monde de fantasme flirtant parfois avec le fantastique, avec, en particulier, une magnifique scène de cauchemar dans laquelle se télescopent de façon très crue des visions liées à la sexualité et les rapports qu’Ava entretient avec sa jeune sœur. Le résultat est plutôt bluffant et le mélange de sensualité et d’énergie qui en découle place, sans l’ombre d’un doute, la jeune réalisatrice parmi les grands espoirs du cinéma français.
C’est toujours avec plaisir qu’on découvre les premiers pas réussis, dans l’exercice de la réalisation d’un long métrage de fiction, d’un ou d’une jeune cinéaste. Léa Mysius semble vouloir continuer à pratiquer les deux voies qu’elle s’est ouvertes depuis sa sortie de la Fémis : d’un côté, l’écriture de scénarios pour des films qu’elle ne réalise pas elle-même, de l’autre, l’écriture de scénarios pour des films qu’elle réalisera dans la foulée. En tout cas, concernant ces derniers, c’est avec une certaine impatience qu’on va attendre le prochain.