Xavier Dolan est-il un grand cinéaste plein d'inventivité et sur qui l'on peut toujours compter ou tourne-t-il désormais à vide ? Telle est la question qui divise la critique. Une chose est sûre : "Matthias et Maxime" est d'abord un film de potes qui ont un passé commun et qui prennent plaisir à se retrouver pour délirer tant et plus, parfois pour affirmer la solidité de leurs liens, parfois aussi pour s'envoyer à la tête leurs quatre vérités. A la suite d'un pari raté, Matthias et Maxime vont devoir jouer dans le film d'une copine nommée Rivette (voilà bien une référence qui ne saurait échapper aux cinéphiles) une scène d'embrassade. D'abord gênés par l'insolite de la situation, ils vont être bouleversés au plus profond d'eux-mêmes, surtout Matthias, type parfait du latin lover qui va délaisser progressivement sa petite amie pour vivre une profonde remise en question de sa sexualité et connaître les tourments existentiels les plus poignants. Quant à Maxime, il n'attend qu'une seule chose, son départ pour l'Australie afin de fuir sa mère, une alcoolique incapable d'une véritable autonomie et pouvant se révéler violente à l'égard de son fils. Tout cela s'inscrit dans un univers aisément reconnaissable, celui de Xavier Dolan qui, pour mieux marquer son empreinte, interprète lui-même le rôle de Maxime. Tous les ingrédients que nous avons appris à connaître s'y retrouvent : le questionnement sur la "vraie" nature sexuelle, l'homosexualité refoulée, le difficile rapport à la mère (le père étant toujours absent)... Ce film nous en apprendra-t-il davantage sur le monde tourmenté du cinéaste ? Nullement. Mais il semble que Xavier Dolan apparaisse de plus en plus comme un musicien de l'image, en ce sens qu'il ne cesse de se livrer à des variations sur des thèmes qui lui sont chers et qu'il exploite de la manière la plus virtuose qui soit. On sera en particulier sensible à ces questions de rythme déjà remarquées dans les films précédents et qui font passer de mouvements impétueux (caméra à l'épaule et accélérés par moments, défiant les normes d'un cinéma "classique") à des séquences lentes et douloureuses tournées vers l'introversion. Si le film est bel et bien un film d'amour, c'est d'abord celui d'un amour intense porté au cinéma dans son ensemble, un cinéma qui peut être destructeur ou reconstructeur (c'est tout le drame vécu par Matthias et Maxime), mais aussi objet d'une fascination purement formelle. A 30 ans, Xavier Dolan s'affirme comme un cinéaste hors norme qui va jusqu'au bout d'une exploration survoltée des possibilités qu'offre le cinéma, en même temps que de sa propre personnalité. Ce qui peut en agacer plus d'un, on le comprend, mais peut aussi en fasciner bien d'autres et nous en sommes.