On a beau apprécié le tandem Peter Berg/Mark Wahlberg, la déception engendrée par "22 Miles" sonnait comme le film de trop dans la collaboration des deux compères devenus inséparables depuis "Du Sang et des Larmes", "Deepwater" et "Traque à Boston". À la suite du succès très relatif de box-office de leur dernier fait d'armes, les deux hommes sont logiquement partis (comme pas mal de leurs collègues) se refaire une santé sur Netflix et, le moins que l'on puisse dire, c'est que leur nouveau projet n'avait pas de quoi susciter un grand enthousiasme sur le papier tant il brassait des ingrédients archi-connus et déjà, pour certains, explorés par eux-mêmes au travers de leurs filmographies commune ou respectives. Flics ripoux, gangs, FBI, meurtres, conspirations et évidemment la sacro-sainte ville de Boston en toile de fond... C'est bien simple, on avait presque l'impression d'avoir déjà vu "Spenser Confidential" avant même de l'entamer, tout juste pouvait-on espérer que le talent de Berg en matière d'action transcende ce thriller dont on croyait tout connaître par avance...
Bon, sur l'intrigue globale de "Spenser Confidential", on ne s'était pas vraiment trompé. Avec son ex-flic pourfendeur d'injustices et rentrant dans le lard d'un complot où gravitent diverses strates véreuses du paysage bostonien, on ne peut pas dire que le nouveau film de Peter Berg nous surprenne par ses rebondissements ou se révèle très crédible par sa volonté excessive de toujours impliquer personnellement son héros dans les enjeux. À ce titre, l'énormité de la concomitance entre un certain meurtre et sa sortie de prison ou celle de la révélation autour d'un des coupables seront particulièrement difficiles à avaler.
Cependant, ces ficelles classiques de roman policier usé par le temps et que le film prend un malin plaisir à manier avec le plus grand sérieux du monde vont finalement trouver un sens par leur conjugaison à une espèce de coolitude inespérée de buddy-movie de la grande époque.
Peut-être parce qu'il est lui-même également inspiré d'une série de bouquins avec un même héros, le personnage de Spenser apparaît d'abord assez vite comme le pendant bostonien de Jack Reacher : un vigilante moderne au grand cœur, capable de légèreté grâce à des traits d'humour inattendus dans la noirceur ambiante mais aussi le plus à même de répondre à la violence par la violence en n'hésitant pas à enchaîner les coups de pied (ou de machette) dans la fourmilière qu'il a choisi de détruire. Mais là où Jack Reacher agissait la plupart du temps en solo, Spenser se voit lui ensuite gratifier d'une équipe de personnages hauts en couleur qui va amplifier encore un peu plus le choc entre le ton désinvolte et l'ambiance sombre du long-métrage ! Les étincelles provoquées par la complémentarité entre le chien fou Spenser (Mark Wahlberg, très en forme) et la force tranquille du géant Hawk (excellent Winston Duke) en seront le meilleur fer de lance, rappelant les meilleurs duos des films policiers du genre des 90's, mais les seconds rôles autour d'eux ne seront pas en reste : Alan Arkin, une évidence en patriarche de cette "famille" recomposée, et, surtout, la furie blonde Iliza Shlesinger déchaînant son courroux avec jubilation à chacune de ses apparitions. Les interactions très amusantes entre cette équipe de fortune et, comme attendu, la capacité de Berg à faire jaillir la violence à l'écran lors de scènes d'action efficaces feront de "Spenser Confidential" un divertissement plus qu'honnête et renouant avec l'âme des plus belles heures du genre.
Bonne nouvelle, comme les écrits dont il s'inspire, "Spenser Confidential" a clairement été envisagé comme le premier opus d'une saga ! Autant dire que l'on se réjouit déjà de retrouver tous ces personnages et le meilleur de cet esprit rétro-explosif véhiculé dans leur sillage, toutefois, on espère aussi que ces éléments détonnants seront désormais au service d'une enquête de polar moins prévisible et fatiguée, ils le méritent vraiment.