Qu’un artiste engagé comme Albert Dupontel s’attaque frontalement au monde de la politique n’est pas surprenant et rappelle en cela la démarche de ses pairs, Gustave Kervern et Benoît Delépine, dans le récent En même temps (2022), satire de la course aux élections municipales. Pourtant, il surprend par la douceur avec laquelle est son récit, douceur qui témoigne tout à la fois d’un assagissement certain et d’une fidélité à la thématique qui soutient l’entièreté de son cinéma : la quête de filiation dans un monde chaotique ; aussi l’approche, certes incisive, reste avant tout sensible puisqu’elle relate la perte de repères d’un candidat à la présidentielle raccordé malgré lui à ses origines et à un jumeau qu’il n’a jamais connu.
La gémellité, omniprésente depuis le générique d’ouverture, qui prend soin de dédoubler le candidat par un autre orateur censé chauffer la salle, jusqu’au dernier plan en miroir, dit à la fois la condition de l’homme politique en général, être caméléon dont l’apparence change en fonction de l’environnement extérieur, et celle de Pierre-Henry Mercier en particulier, être incomplet, tour à tour brillant esprit et étranger à lui-même et aux autres, qu’incarne un Albert Dupontel surprenant de calme et de retenue. Incomplet parce qu’incapable de porter haut et fort ses véritables valeurs et croyances politiques, contraint de jouer un rôle pour remporter l’élection ; le frère apiculteur intervient alors telle une métaphore de ce dédoublement, projection d’une intériorité tourmentée qui recouvre à terme une unité par la disparition et la fusion de la nature (les idées) et de la culture (le costume).
Le long métrage cultive ainsi l’idée d’une sagesse populaire, chante le savoir dépourvu de connaissances conceptuelles et théoriques, prône la simplicité, redistribue les pouvoirs en une assemblée populaire qui advient, une heure et demi durant, grâce à l’action d’une journaliste de sport et de son caméraman lancés dans une course à la vérité – contre le verbiage mielleux des journalistes corrompus, l’agressivité et la franchise de ceux qui se consacrent au sport populaire par excellence, le football. Autant dire que l’idéologie défendue par Dupontel s’infuse dans la mise en scène, en particulier lors d’une scène de transfert sanguin où les deux frères sont allongés côte à côté, l’un étendu sur un lit médicalisé, l’autre sur une table en bois, traduction de deux milieux sociaux et de la vitalité de leurs échanges. De très belles idées au sein d’une œuvre plaisante mais foutraque, qui souffre de longueurs et se disperse trop, peinant à assurer une focalisation et une tonalité cohérentes – le duo de journalistes finit par être sacrifié au profit de celui formé par les jumeaux.