Stephen Frears nous propose avec « The Lost King » une histoire vraie, celle d’une passionnée d’histoire, totalement autodidacte, qui entreprit de retrouver le corps du roi Richard III et de réhabiliter sa mémoire, en contraction totale avec la légende Shakespearienne. Sur le papier, ce sujet n’est vraiment pas dénué d’intérêt pour moi. Même si je reconnais mal connaitre les subtilités de l’histoire de l’Angleterre, et que je suis loin d’être coutumière de Shakespeare, je savais néanmoins deux-trois choses sur Richard III avant d’entrer dans la salle. Pas grand chose en réalité, et c’est un des premiers problèmes de ce film. Il s’adresse à un public britannique, qui connait son histoire comme nous connaissons la nôtre. Pour un public français, déjà situer Richard III dans la chronologie, ce n’est pas gagné. Du coup, comprendre vraiment le cœur du film, et toucher du doigt la passion qui anime le personnage de Philippa, son attachement à ce roi précis et à la royauté en général, ce n’est pas très évident. Frears nous offre un film finalement très académique, presque démonstratif. Ni l’utilisation de la musique, ni les effets de caméra ne sont réellement inventifs. Tout juste peut-on trouver son film un peu long, essentiellement sur la fin. Peu d’humour, peu de suspens ; ceci dit, étant donné qu’il s’agit d’une historie vraie,
la découverte des ossements de l’infortuné roi ne laissait pas beaucoup de place pour un éventuel coup de théâtre
. Pendant tout le film, Philippa converse avec le « fantôme » de Richard III, qu’elle imagine sous les traits du comédien de théatre qui l’a fasciné. Ce parti pris, étrange, peut laisser penser au spectateur que Philippa est en train de sombrer dans la folie, ce qui n’est pas le cas. Du coup, toutes ces scènes entre elle et le roi donnent un effet super bizarre. Je ne suis pas certaine que ce soit l’idée du siècle, pour tout dire… Sally Hawkins incarne une Philippa Langley très à fleur de peau. Pour être honnête, cette comédienne ne m’avait déjà pas follement emballée dans « La Forme de l’Eau ». Ici, elle joue, elle surjoue même beaucoup la fragilité. Très souvent tremblante, les larmes au bord des cils, la voix hésitante, elle compose une Philippa qui au début parait fragile comme du verre, puis rapidement qui devient assez crispante. On ressent bien la passion qui l’anime (même si avouons-le, on ne la comprend pas à 100%), mais on n’arrive pas à être totalement en empathie avec elle, elle est trop borderline tout le temps. Les seconds rôles sont quant à eux assez réussis, grâce au talent de Steve Coogan, Mark Addy ou le charmant Harry Llyod. Ce dernier incarne un Richard III plutôt beau gosse, comme Philippa le voit, très loin du roi bossu de Shakespeare. Le scénario du film est assez facile à lire, Philippa se sent en empathie avec Richard III car elle-même souffre d’une maladie qui n’est pas facile à vivre (Syndrome de Fatigue Chronique) et elle n’a pas la réussite personnelle et professionnelle qu’elle espérait. Réhabiliter un personnage aussi malmené par l’Histoire fait écho à sa propre souffrance. Je ne trouve rien à redire sur cet aspect du scénario, très facile à appréhender. Là où je suis un peu plus dubitative, c’est la vision de l’Histoire que véhicule le film. Philippa fait ses recherches comme une historienne (recoupage des sources, recherches aux archives…) mais elle laisse ses émotions, son instinct, prendre le dessus très souvent sur la rigueur que nécessite l’Histoire. Elle se heurte aux vrais historiens, aux vrais archéologues qui ne sont pas, eux dans l’affect. Elle est guidé par la passion, eux sont guidés par la rigueur scientifique
(et l’appât du gain aussi, tant qu’on y est)
, la rencontre des deux ne pouvait pas bien se passer. Mais le scénario montre que c’est la passion qui l’emporte,
elle réussit là où la science échoue. Du coup le film pourrait laisser penser que c’est comme cela qu’on fait de l’Histoire, or non, ce n’est pas comme çà !
Là où le scénario se rattrape un petit peu, c’est quand il montre que la littérature, par l’intermédiaire de Shakespeare, peut proposer une version plus romanesque que la vérité et peut ainsi la supplanter. Sur ce point précis, je pense que le film est pertinent. Shakespeare a donné une image tronquée de Richard III comme Alexandre Dumas a donné une image romancée et tronquée de Louis XIII dans « Les Trois Mousquetaires », par exemple. La littérature historique, aussi talentueuse soit-elle, peut abîmer la vérité historique ; c’est que je vais porter au crédit du film de Stephen Frears. Pour le reste, c’est un film assez étrange qui ne m’a pas follement emballé.