Un très grand film, monument à la gloire de deux légendes d’Hollywood captées à leur crépuscule par un grand metteur en scène. Car John Huston, alors considéré comme un réalisateur plutôt sur le déclin, retrouve ici le souffle de ses grands films des années 40, porté par le noir et blanc somptueux du directeur photo Russell Metty et par ce scénario étrange, bancal, protéiforme, mais envoûtant, signé Arthur Miller. Beaucoup d’échos au parcours personnel de Marilyn dans cet hymne à l’innocence au milieu d’un monde de brutes – et aussi une mise en opposition intéressante, parce que rare, de deux idées généralement mises en parallèle: la beauté et de la liberté. Car le prix de la "liberté" de ces derniers cowboys (montés sur des camions et des avions) qu’incarnent Clark Gable et Eli Wallach, c’est le sacrifice des derniers restes de beauté et d’innocence de l’Ouest américain, incarnés par le groupe de mustangs qu’ils chassent. Inoubliables séquences finales de lutte entre le cheval et l’homme au milieu du désert ! Le début, à l’inverse, est un hymne à Marilyn, à sa beauté, mais surtout à son immense talent de comédienne, qui éclate dans chaque réplique, dans chaque regard. Inoubliable incarnation d’une femme-enfant perdue dans la jungle, qui ne parviendra à fonder un foyer bien éphémère que pour retrouver en son compagnon la sauvagerie qu’elle voudrait abolir en l’humanité. Rôle à la dimension quasi-religieuse pour une actrice déifiée de son vivant, qui tire sa révérence de la plus émouvante des façons. Face à elle, Clark, ravagé et qui survivra à peine aux derniers tours de manivelle, rappelle à chaque instant pourquoi il fut un pilier du Hollywood de l’entre-deux-guerres : présence impressionnante, abattage étonnant, et cette capacité à susciter la sympathie du spectateur, y compris quand son personnage devient beaucoup moins plaisant. Seconds rôles évidemment plus effacés de Montgomery Clift et Eli Wallach, le premier finissant presque ici sa carrière, alors que le second, pourtant plus âgé, lançait la sienne, qui se poursuit encore aujourd’hui. Un film charnière qui, par son contenu autant que par le parcours des artistes qu’il met en scène, se voit comme un chant d’adieu à un certain âge d’or hollywoodien.