Un Scorcese formidable : puissant tire-larme constamment émaillé d’humour, on y passe sans transition des larmes au rire, comme l’humeur changeante d’une Alice (Ellen Burstyn), mère de famille encore post-adolescente dans son âme, dont le cœur ne cesse de balancer entre ses désirs et les nécessités : gagner sa vie de veuve et élever son enfant décemment, chanter et trouver une épaule masculine sur laquelle se reposer. Elle finira, après maints déboires, par trouver l’homme prêt à sacrifier sa liberté et ce qu’il a acquis par son travail pour elle et son enfant.
La dynamique des plans, des mouvements de caméra (avec les quelques excès pardonnables des années 1970) et du montage de ce road-movie au féminin nous montre déjà ici à l’oeuvre un très grand réalisateur.
Portrait de femme touchant, et doté d’une dimension sociale évidente, Alice n’est plus ici n’est pas un film féministe pour autant, bien qu’il se place au plus près du point de vue féminin. C’est un film qui nous présente une femme en butte aux difficultés de la liberté forcée et à l’illusion qu’elle pourrait se passer d’un homme dans sa vie. Mais elle finit par comprendre que sa fuite en avant vers Monterey, sa ville natale idéalisée, n’est qu’un mirage de plus, et qu’elle peut trouver suffisamment de bonheur là où vit l’homme qu’elle aime. La famille passe dans ce magnifique film avant tout, mais sans la lourdeur des discours lénifiants coutumiers du cinéma américain et surtout sans qu’elle se présente comme un renoncement aux rêves d’Alice enfant. Alice ne renonce pas à chanter, à être elle-même, et c’est ce qui lui donne encore plus de valeur aux yeux de David, qui est prêt à faire des efforts également pour apaiser les tensions entre lui et Tommy, le jeune le fils d’Alice, qui amène pas mal de légèreté dans le film.
A noter aussi :
- un des premiers rôles de Jodie Foster (son cinquième long-métrage au cinéma), en jeune adolescente précocement pervertie, qui entraîne Tommy (12 ans) dans l’alcool, la drogue et la pré-délinquance ;
- le film fut suivi d’une série très populaire nommée Alice qui dura 9 saisons (202 épisodes de 1976 à 1985) avec Linda Lavin dans le rôle-titre et qui reprenait pour décor principal le diner miteux de Phoenix, Arizona où Alice échouait comme serveuse dans le film, avec notamment le savoureux personnage de Florence Jean 'Flo' Castleberry la serveuse en chef mal embouchée. Pour le plaisir, une de ses réparties du film (pour les anglophones) : « She went to shit and the hogs ate her! ».