Dernier des huit films (dont cinq westerns) réalisés par Anthony Mann avec James Stewart, « L’Homme de la plaine » est souvent considéré comme l’apothéose de leur collaboration. Ce n’est pourtant pas dans ce western ultra-classique (la venue d’un étranger dans une ville pour y exécuter sa vengeance en la délestant du tyran qui y règne en maître) qu’Anthony Mann se montre le plus à l’aise. S’il bénéficie ici du CinemaScope et excelle dans les scènes d’action se déroulant dans de vastes espaces, le scénario ne se prête qu’à peu de scènes de ce genre. On est loin ici des « Affameurs », de « Je suis un aventurier », de « L’Appât » et de « Winchester 73 » où James Stewart sillonne les grands espaces en même temps que l’intrigue se déroule.
En conséquence, on ne retrouve pas le souffle épique de ces quatre autres titres dans celui-ci et la qualité du film en pâtit largement. Peu à l’aise avec les portraits psychologiques, Anthony Mann peine à retrouver le rythme échevelé de ses précédentes réalisations. Le classicisme du film semble, en outre, un véritable exercice de style. Tout est convenu, carré, à sa place et l’intrigue se déroule donc sans surprise jusqu’à un duel final plutôt décevant.
Le film ne manque cependant pas de qualités. Anthony Mann propose un film net et sans bavure, l’intrigue est bien menée, certaines scènes sont saisissantes et James Stewart est fidèle à lui-même en cow-boy solitaire, honnête, droit et têtu. En somme, cet « Homme de la plaine » est une parfaite illustration du western classique à l’Américaine remplissant le cahier des charges (on a même droit aux Indiens et à une intrigue sentimentale qui a le mérite de prendre peu de place dans l’ensemble).
Si ce classicisme est ce qui fait la renommée de ce western, on regrettera, au contraire, son manque de personnalité et, surtout, son trop faible souffle épique. Un film, au final, presque trop propre sur lui pour être aussi passionnant que les précédentes œuvres de Mann qui sacrifiaient parfois la maîtrise du récit à une action qui savait dire beaucoup de choses de ses personnages. Bref, tout ceci manque un peu d’âme même si c’est extrêmement bien fait.