Il y a parfois des films où il ne se passe pas grand chose, et pourtant... « La Piscine » en fait partie, ce qui s'explique par plusieurs raisons. D'abord, difficile de nier la dimension incroyablement sensuelle de l'œuvre : cette « valse » des corps est assez somptueuse à regarder, d'autant que Jacques Deray le fait avec beaucoup de naturel, voire d'élégance. Je ne sais pas vous, mais moi, j'avoue que regarder Romy Schneider, plus sublime que jamais, vivre une relation « intense » avec Alain Delon au bord de la fameuse piscine, cela n'a pas de prix. Toutefois, si ces premières minutes sont évidemment très « plaisantes », l'intérêt du film ne s'arrête pas là : viennent bientôt s'ajouter deux nouveaux personnages, qui vont rapidement provoquer une tension très subtile et particulièrement intrigante. Non-dits, sous-entendus, tensions érotiques : ce quatuor « amoureux » évoluant devant nos yeux est un régal et montre une profonde maîtrise du réalisateur pour créer une atmosphère suffocante, à laquelle il est difficile de rester insensible. L'œuvre s'appuie en grande partie là-dessus, et c'est suffisant tant on est séduit par cet étrange univers, où la piscine (encore elle) tient une place prépondérante à de nombreux égards. Elle est en effet avec Jean-Pierre et Marianne le seul « personnage » présent du début à la fin, et garde une importance capitale jusqu'à la dernière minute, d'autant que toutes les scènes-clés s'articulent autour d'elle. Certains trouveront alors que les personnages ne sont pas attachants, mais en ce qui me concerne c'est avant tout ce qu'ils représentent qui m'a plu : j'ai horreur d'habitude des problèmes de riches qui s'ennuient, pourtant je dois avouer qu'ici ces derniers ont un pouvoir d'attraction étonnant, d'autant que le réalisateur ne cherche jamais à les idéaliser. C'est que cet ennui, ce malaise sont traités avec tellement de sobriété qu'on ne peut être que captivé, ces quatre héros restant suffisamment différents pour éviter tout effet de répétition. Ainsi, ce qui aurait pu être un exercice de style désespérément plat devient un film brillant et captivant, évoluant aux deux tiers en fausse intrigue policière sur fond d'enjeux moraux et sentimentaux complexes, à l'image d'une fin inattendue mais plutôt réussie : une œuvre à part dans le cinéma français, une des plus belles réussites de son auteur.