Quatre ans après, les États-Unis de 2005 restent profondément marqués par les attentats du 11 septembre 2001. C’est à cette époque que Steven Spielberg décide de ressortir son projet de nouvelle adaptation de La Guerre des mondes qu’il avait mis en sommeil à la sortie d’Independence day en 1996.
En effet, cette nouvelle version du roman d’H.G. Wells (après celle signée Byron Haskin en 1953) est une parfaite retranscrire de l’état de panique dans lequel est plongé le pays depuis la chute des tours du World Trade Center. Il n’est d’ailleurs pas innocent que la petite Rachel demande "C’est les terroristes ?" au début de la fuite de la famille. Les hurlements répétés de cette petite fille (souvent reprochés au film et pourtant quel enfant de cet âge ferait autrement dans une telle situation ?) soulignent également l’anxiété régnante dans un pays qui n’avait jamais été attaqué sur son continent (Pearl Harbor est une île située en Océanie, rappelons-le). Il est également difficile dans ce film de ne pas voir de la part du réalisateur de La Liste de Schindler des résurgences des images d’exode de la Seconde Guerre mondiale.
Cette panique généralisée sert aussi à montrer quels types de réactions peuvent être engendrés selon les individus. Comme dans 1941, Steven Spielberg montre la peur pousser les américains à s’entretuer
: la voiture qui transporte Ray et sa famille est assiégée par la foule, Ray tue Harlan hors-champ (ce qui renforce l’impact de la scène) par peur d’être repéré à cause de son comportement (cela permet également à Spielberg le démocrate de montrer que les armes à feu en vente libre servent plus à s’entretuer qu’à se défendre d’ennemis éventuels)… La diversité des réactions face à de tels événements est aussi visible au sein de la famille Ferrier avec d’un côté Ray qui cherche à fuir le plus loin possible pour protéger sa famille et de l’autre Robbie qui estime devoir combattre pour arriver à la même fin
.
Toutefois, cet aspect va-t-en guerre du fils de la famille Ferrier s’explique également par une rébellion envers son père. En effet, une fois de plus dans la filmographie de Steven Spielberg, Ray est un père divorcé qui, même s’il les aime, est totalement déconnecté des ses enfants (il ne sait même pas que sa fille est allergique au beurre de cacahuètes depuis sa naissance !).
Ces thématiques font de La Guerre des mondes une des œuvres les plus sombres de Steven Spielberg (encore plus que Minority Report). Cette noirceur est traitée de main de maître par le cinéaste qui utilise ses expériences passés de Jurassic Park
(la scène la cave fait fortement penser à celle des raptors)
à Il faut sauver le soldat Ryan (caméra très mobile, travail très présent sur le son…) pour imprégner le film d’un fort suspense et d’un grand réalisme.
Toutefois, Spielberg ne pousse pas ce dernier jusqu’à l’horreur en choisissant de faire partir en fumée les victimes de tirs extraterrestres.
La Guerre des mondes est donc une grande réussite mais, hélas, on peut regretter une fin un peu discutable.
D’un côté, la manière dont les extraterrestres deviennent vulnérables peut être un peu critiquée. Certes, cette résolution est identique à celle du roman mais elle n’est pas évoquée progressivement dans le reste du film (si ce n’est par son générique de début montrant des molécules) au point où il faut que ce soit la voix-off finale (dite par Morgan Freeman en V.O.) qui doit l’expliquer. En outre, Spielberg n’ayant pas hésité à s’éloigner fortement du roman (qui se déroule au XIXème siècle et dont le héros au nom différent n’est pas entouré de sa famille) aurait pu choisir de modifier également cette fin. De l’autre, le happy end final (où on découvre que toute la famille a survécu) est regrettable car elle est en opposition avec le reste du film assez désespéré. Ce happy end n’est toutefois que moyennement surprenant dans la filmographie de Spielberg puisque, même lorsqu’il décrit les pires heures de l’humanité, il le fait toujours par un biais qui lui permet qu’une lueur d’espoir est toujours possible (l’Holocauste est montré par l’intermédiaire d’un Juste parmi les nations, l’esclavage par celui d’un procès ayant abouti à la libération d’hommes l’ayant subi…).
Malgré tout, il ne faudrait pas que cette fin, quoi qu’on en pense, puisse faire oublier que cette version de La Guerre du monde (qui sortit la même année que deux autres adaptations aux budgets très nettement inférieurs) est une œuvre extrêmement forte qui est un des meilleurs films de la vague post-11 septembre. Il est regrettable que le comportement de Tom Cruise pendant la promotion (qui préféra parler de Scientologie que du film) mit fin à la collaboration entre l’acteur et le réalisateur qui venait de donner lieu à deux long-métrages très puissants.