Je craignais de me retrouver, au vu des critiques dithyrambiques et des césars gagnés, devant un film lourdement didactique ou bien pensant. Mais non, «La Graine et le Mulet» mérite bien ses césars. Kechiche a réussi son pari de concilier social et romanesque : contrairement au commun des films français à prétention sociale, pleins de clichés sur les méchants patrons, faisant presque l'apologie du misérabilisme, idéologiquement douteux, «La Graine et le Mulet» est centré sur les rapports humains et est dénué de tout racolage politique. Kechiche choisit de montrer des gens simples, vivant une vie simple et c'est en cela qu'il peut être qualifié de social car montrant telle quelle la société, sans la noircir ou la sublimer. A cela s'ajoute la chronique d'une famille d'origine maghrébine, et c'est quand éclatent les conflits familiaux qu'intervient le romanesque, où jalousies, rancoeurs, tromperies, etc. prennent le pas. Mais le tout reste d'un naturel réjouissant, respirant la joie de vivre malgré les difficultés de la vie. Il faut dire que cet enthousiasme vient pour beaucoup de la jeune et talentueuse Hafsia Herzi, illuminant le long métrage de sa fougue et de son naturel. Et les autres interprètes sont eux aussi remarquables, dirigés avec sincérité par Abdellatif Kechiche. Honnête et pudique, «La Graine et le Mulet» vaut surtout pour son humanité. Bien que de facture classique (voire académique), parfois maladroit, il parvient à nous émouvoir sans jamais se départir de sa subtilité et tomber dans le grand-guignolesque, le sentimentalisme balourd ou la superficialité convenue. C'est un film vrai, très bien interprété, joliment photographié et les 2h30 un peu lentes au début passent finalement très vite. A voir! [1/4] http://artetpoiesis.blogspot.fr/