L'une des plus belles réussites de Miyazaki. Heroic fantasy opérant un magnifique syncrétisme religieux, "Princesse Mononoke" illustre à merveille le sentiment japonais à l'égard du divin. Bien sûr, l'animisme domine le film du début à la fin. On peut d'ailleurs remarquer la similitude avec le mythe ghanéen du dieu-serpent, animal à qui un guerrier légendaire coupa la tête, mettant ainsi à jour des gisements d'or. Imprégné d'animisme, "Princesse Mononoke" intègre aussi des éléments du bouddhisme, avec la quête de la sagesse dans laquelle se lance le héros, et des éléments du christianisme, avec la scène lors de laquelle le dieu-cerf marche sur l'eau, tel Jésus lors de ses plus belles heures. Or, pour peu que l'on s'intéresse à la question de la religion au Japon, on ne peut qu'applaudir à deux mains. La question politique occupe elle-aussi le devant de la scène, avec des guerres intestines pour la possession d'un minerai, le tout sous le regard lointain de l'empereur qui ne pense qu'à son petit intérêt. Sans aller jusqu'à interpréter le final avec une grille d'analyse "hirochimo-nagasakiesque", on retrouve quand nombre d'aspects de l'histoire japonaise. Si maintenant j'arrête de faire mon connard de lettré pour me pencher sur l'intrigue en elle-même, une fois encore je suis conquis. Elle se suit avec intérêt, ça bouge dans tous les sens, l'ambiance même par moments épique. Certes, l'histoire s'égare parfois dans des recoins obscurs, il est alors difficile de suivre Miyazaki dans son petit délire, mais dans l'ensemble pas besoin non plus d'avoir fait polytechnique pour comprendre. Le côté fantastique de "Princesse Mononoke" peut faire peur. Le dieu-cerf, une espèce de cerf transgénique qui marche sur l'eau et qui affiche en permanence une sourire niais. Le loup de 4m de haut et sa voix de Terminator, un peu métallique. Le héros, "habillé par Tati" on aurait presque envie de dire tellement c'est ridicule. Et la liste est longue. Pourtant, on y croit. Sans vouloir jouer ma pucelle effarouchée, il me foutrait presque les boules ce gros sanglier-démon avec ses asticots qui lui sortent par le trou de balle. L'excellente musique contribue en grande partie à cette réussite. Autre ingrédient servi par le grand chef Miyazaki, le brin d'humour qui caractérise la plupart de ses réalisations. Comment ne pas se pâmer devant ces ex-filles publiques à la verve étonnante, devenues expertes dans la fabrication des armes à feu ? Comment en pas se moquer de la couardise de certains guerriers ? On ne se fend pas autant la gueule que dans "Laputa" par exemple, mais ça reste savoureux. Enfin, il y a l'émotion. L'histoire est belle, touchante, les morts sont nombreuses mais magnifiques. Miyazaki sait émouvoir, que l'on soit petit ou grand. Bref, "Princesse Mononoke" s'apprécie autant avec son cerveau qu'avec ses tripes, et il mérite amplement son succès.