Une note d'excellence pour ce qui est pour moi la grande découverte de l'année en matière de série. Il suffirait d'un tout petit peu plus d'originalité au niveau du scénario pour que Peaky Blinders puisse se démarquer vraiment dans le cercle des reines du petit écran.
Mais qu'importe car cette excellente série britannique est si bien réalisé, si bien interprété, son ambiance punk rock folklorique si bien trouvé dans une série au cadre historique , bref Peaky Blinders réunit de se grandes qualités qu'on lui pardonne facilement son léger petit manque scénaristique. Il faut bien l'avouer, le gangster en pleine ascension (entre bien et mal ) face à un flic chevronné ( entre bien et mal ) c'est une recette habituelle de la série noire. Mais qu'importe puisque les bonnes habitudes n'ont pas la vie dure et Peaky Blinders le prouve.
Pour le peu de série britanniques que j'ai vu ( saison 1 de Skins, Misfits, et surtout Broadchurch ), j'ai toujours trouvé qu'elles avaient une même esthétisme photographique assez glaciale, assez froide, assez grise ( pour ne pas dire terne ) bien que cela n'enlève rien à leur qualité. Avec Peaky Blinders, la photographie est à contre-courant, l'image est somptueuse et surtout très nuancé. Filmant tout aussi bien les zones urbaines glauques sans non plus un fort sentiment de déja -vu, passant dans des batîments à l'ambiance feutrée et confortable, sans compter quelques paysages bucoliques qui contraste avec l'éternel cliché d'une Angleterre pluvieuse, l'équipe de Peaky Blinders a su donner force et originalité surprenante dans les qualités visuelles de sa série. Éloge de bons points commençant par un Cillian Murphy, véritable chevalier noir déchu, qui longe une rue à cheval dès les premières scènes.
C'est une Angleterre misérable en pleine période de sa seconde révolution industrielle si je m'abuse , au début du XX ème siècle, juste après la première guerre mondiale qui sert de cadre historique à la série et un autre bon point est de faire sentir l'impact de cette part Historique jusque dans les traits esthétiques , la performance des acteurs et le scénario. Vous allez me trouver contradictoire par rapport à ce que j'ai précédemment dit à propos du scénario mais toujours est-il que les écrivains ont très bien su créer des portraits de personnages, d'anciens soldats profondément affectés par la guerre et surtout très réussis, chaque tentant de contenir ses souvenirs douloureux comme il peut.
Il y a l'ombre infernal du meurtre de masse ( la guerre) qui se glisse dans la vie des Peaky Blinders. La série , au delà de cette habituelle chronique passionnante et violente sur un groupe de gangsters sur la voie du pouvoir, affiche surtout un but de renaissance de la part de personnages et de la part d'une société qui s'est voué pour son pays mais n'a apparement rien reçu en retour. Les Peaky Blinders affichent un désir de liberté qui outrepassent la bonne tenue et le morale, outrepasse la condition prolétarienne pour chercher fortune ailleurs... Bref il y aurait tellement à dire sur la symbolique autour de cette série, sur la représentation des différentes visées politiques de l'époque (notamment avec l'IRA ) qu'on oublierai comme je suis en train de le faire l'enjeu principal de cette série, à savoir le parcours des Peaky Blinders, gang de racketteurs, pickpockets, trafiquants et responsable d'un réseau de paris truqués. Dirigé par la famille Shelby, ce gang de rue finit par prendre de plus en plus d'envergure notamment sous l'influence de Thomas Shelby , cadet de la fraternité, sombre, calculateur, charismatique mais pas dénué de valeurs fortes comme la loyauté et l'honneur, Cillian Murphy est tout simplement remarquable mais aussi méconnaissable dans le rôle de ce jeune gangster pur jus qui a l'allure des plus grands malfrats déja représentés dans des séries. Voir cet acteur irlandais dans un rôle aussi tourmenté est étonnant, un acteur qui a incarné des rôles le plus souvent sympathiques , même son rôle de l'Epouvantail dans les batman de Nolan avait un coté un peu guignolesque . Je trouve que dans cette série, Murphy incarne son premier rôle ténébreux et autant le dire de suite, il y excelle totalement notamment en prenant le parti pris d'afficher un calme angoissant en harmonie avec sa gueule d'ange. Bien qu'il soit lui aussi hanté par les souvenirs de la guerre, il les cache dans l'isolement.
En fait, on peut dire que Cillian Murphy incarne en quelque sorte un héros romantique dans l'élan du XIX ème siècle.
Et dans le cadre de la romance, pardon pour cette transition un peu machiste, mais voila on peut aussi saluer le jeu d'Annabelle Wallis ou double-jeu qui s'infiltre dans le gang des peaky blinders et devient en quelque sorte la source de coeur du film. L'actrice dépeint avec grâce et une certaine douceur son personnage tout en gardant un coté mystérieux. Ainsi, on ne saura jamais formellement le passé de ce personnage qui semble un peu émerger de nulle part, c'est ce que j'ai apprécié. Le casting féminin est vraiment mis en valeur dans ce film. On retrouve le rôle de la matriarche, semblable à celui de Katey Segal dans SOA, mais personnage davantage sympathique. Helen McCrory incarne la tante des frères Shelby, bien qu'elle fasse partie de la famille et qu'elle soit symbole de sagesse et de maturité, l'autorité en revient pourtant à Thomas Shelby, son personnage de matriarche est en quelque sorte un peu en retrait. Tante Polly est surtout spécialisée pour les "affaires de cœur", ce qui est paradoxale vu son passé.
En tout cas, il s'agit de l'un des personnages les plus forts de la série, exercice de tempérament qu'Helen McCrory exprime en toute habilité.
Perso, mon coup de coeur est le personnage de la soeur, véritable opposition face à la fratrie Shelby, la jeune et jolie Anna incarne un peu la rebelle Juliette de la famille avant qu'elle ne gagne en épaisseur, surtout durant la saison 2.
A ses cotés, ses frères ne sont pas non plus en manque d'interprétation, alors comme souvent dans les séries, il y a un second rôle emblématique, un personnage manifestement délurée et assez extravaguant. Ici , c'est l'acteur britannique Paul Anderson ( encore un Anderson ! ) qui a notamment incarné le franc tireur dans Sherlock Holmes 2 qui se fait remarquer dans Peaky Blinders. Il joue le rôle d'Arthur,l’aîné de la fratrie, sorte de bête fauve et brutal, écorché par la guerre qui se démarque surtout dans la saison 2 ou son caractère instable et violent finit par prendre le dessus. La encore une remarquable performance de la part de cet acteur qui arrive à rendre son personnage de testable mais aussi pathétique et parfois flippant, un équilibre qu'Anderson dose à merveille dans la série.
Bref la famille Shelby est au coeur de la série, mais c'est sans compter le personnage du dangereux flic joué ici par Sam O'Neil ( Jurassic Park, La leçon de piano, l'antre de la folie, the daybreakers...) , un acteur qui a toujours su donner un coté inquiétant dans ses rôles ( même dans Jurassic Park avec la fameuse scène de la griffe) . Ici il joue le rôle d'un inspecteur des services secrets britanniques, en lutte notamment contre l'I.R.A, un vétéran qui semble avoir tout connu sauf la guerre. Et c'est ce qui va le démarquer de Thomas Shelby, cette opposition entre le jeune gangster qui a fait la guerre et en est revenu changé et le vieux flic discipliné qui aura mené toute sa vie sa propre guerre contre le crime mais sans jamais connaitre les horreurs de la vraie grande guerre. On a ici un personnage qui a vraiment un désir de reconnaissance et qui n'hésite à sacrifier pour son ambition personnelle toute bienséance et toute pudeur dans la maîtrise de ses enquêtes. De ce fait, le major Campbell apparait comme un personnage sournois, en apparence juste et intègre et on peut compter sur Sam o'Neil pour interpréter cet antagoniste ambivalent.
Un point assez long sur le casting mais j'adore décrypter les personnages. Alors Peaky Blinders est une série noire parfois violente mais bizzarement elle affiche pas un climat sinistre. En fait, toutes les séries de gangsters pratiquement ne sont pas que dans la noirceur, Les Sopranos a un aspect très comique, Breaking Bad , qui n'est même pas une série de gangsters à proprement parler, bref...il y a un coté détonnant dans Peaky Blinders qui montre aussi une volonté de briser certaines atmosphères typiques, une ambiance toute faite qui aurait pu être rapidement utilisé. J'ai parlé d ela qualité photographique, la B.O également, une B.O composés de morceaux de rock brut entre folk et punk, une ambiance au final steampunk. La série est résolument moderne, elle affirme un vent de révolte et je pense que c'est la ce qui marque cette série. Je n'ai même pas vu la saison 1 en entier mais j'ai eu beaucoup de mal à accrocher à Boardwalk empire ( que je compte quand même reprendre sérieusement ) mais ce qui se dégage dans Peaky Blinders, c'est cet espèce d'élan ironique, ce cri de révolte , comme la scène ou Cillian Murphy arrive à cheval dans la rue dans une époque qui est écrasé par l'industrialisation. Derrière l'intrigue de cette série, il y a vraiment un élan de liberté et de révolte face à un certain conservatisme, au traditionnalisme... Un coté Robin des bois vue à travers le gang Shelby. Pourtant ces derniers n'hésitant pas à jouer l'arrogance et à attaquer les premiers, bref il y aura toujours une dimension contrasté, on ne fait pas l'apologie du crime mais quand même c'est une série qui se montre audacieuse par son absence de valeurs morales. En tout cas, elle ne s'y attelle pas et c'est ça qui en fait sa force.