Le deuil au cœur d’un drame déchirant…
Dan, père de famille, travaille sur des chantiers de voirie à Chicago. Un peu par hasard, et à l’insu de sa famille, il intègre une troupe de théâtre amateur qui met en scène Roméo et Juliette à un moment difficile de sa vie. Peu à peu, la tragédie qui se monte sur scène commence à lui renvoyer le reflet de sa propre vie.

Dans les pays anglo-saxons, Ghost Light est l’expression qui désigne les veilleuses, généralement sur trépied, qui restent allumées au centre des scènes de théâtre la nuit. Dans l’imaginaire populaire, elles ont toujours une dimension superstitieuse, censées par exemple apaiser les fantômes qui hantent les lieux.

Pour le premier long-métrage de la cinéaste Kelly O'Sullivan, le choix de ce titre donne donc le ton, puisque les personnages qui portent son intrigue sont poursuivis par leurs propres fantômes et non-dits. En choisissant de laisser le sujet à interprétation – dans un premier temps tout du moins –, Ghostlight met plutôt en lumière les tensions presque palpables qui parcourent cette famille.
Si les femmes du film manifestent leur envie de parler et de se confier sur cette expérience traumatique, c’est sur le point de vue du père, peu enclin à faire part de ses sentiments et pour qui les pleurs sont synonymes de faiblesse, que la réalisatrice a souhaité se focaliser : “Quelles sont ces choses que nos parents gardent enfouies ? Je suis fascinée par la façon dont certaines personnes associent la tristesse à une faiblesse, notamment chez les hommes”, explique-t-elle.
… porté par une famille plus vraie que nature
Pourtant, c’est grâce à la pratique du théâtre, qui implique de lâcher prise et d’exprimer ses émotions dans un cadre rassurant et sans jugement, que Dan parvient peu à peu à dépasser son mutisme.
La singularité de Ghostlight repose donc principalement sur une mise en abyme déconcertante : les acteurs deviennent des acteurs au sein même de l’œuvre. Dan, ouvrier a priori peu enclin à se glisser dans la peau d’un personnage shakespearien, se retrouve embarqué malgré lui dans la conception de la pièce Roméo et Juliette, jouée par une troupe amateure. D’abord méfiant, manquant cruellement de confiance en lui, le père de famille va finalement découvrir que le théâtre est accessible à tous et qu’il est un formidable exutoire grâce à la bienveillance de ses camarades de jeu.

Et si Ghostlight parvient autant à véhiculer les émotions de ses personnages, c’est que la distribution du long-métrage propose une interprétation particulièrement authentique. En réalité, une bonne poignée du casting se connaît, notamment la famille qui forme dans la réalité… une vraie famille ! Le rôle de Dan, le père, a été immédiatement pensé pour Keith Kupferer, qui avait déjà monté une pièce de théâtre avec la réalisatrice, qui n’avait pourtant “pas du tout pensé à sa famille, raconte-t-elle. Il m’a demandé si sa fille pouvait auditionner. J’étais stupéfaite ! Elle avait cette confiance et cet air effronté.” ! À partir de là, le rôle de la mère a naturellement été attribuée à la “vraie” mère de famille et femme du comédien, Tara Mallen, également comédienne.
C’est cette sincérité qu’a cherché à recréer à l’écran la cinéaste Kelly O’Sullivan, dans la famille comme dans la troupe de théâtre : “Cette alchimie vient en partie du fait que beaucoup d’acteurs se connaissent depuis des années, car nous avons puisé dans la communauté théâtrale de Chicago pour presque tous les rôles. Pour les scènes où ils jouent à des jeux, nous les avons vraiment fait jouer. Donc, quand ils rient aux éclats, c’est pour de vrai.”
Drame poignant et authentique porté par Keith, Katherine et Tara Mallen-Kupferer, famille à la ville comme à la scène, Ghostlight est à découvrir au cinéma dès maintenant.