Little Jaffna : un thriller saisissant au coeur de la communauté tamoule
Élise Gries-Braun
Élise Gries-Braun
-Rédactrice ciné-séries
Apaisée à la seule vue de la cassette de Mary Poppins et au déhanché de John Travolta, Élise passe allègrement de la chanson aux larmes, avec une préférence pour les comédies dramatiques françaises et les films indépendants d'ici ou d'ailleurs.

En salle cette semaine, Little Jaffna vous entraîne dans la communauté tamoule de Paris, où se cache un gang méconnu mais puissant. Véritable réflexion sur l’identité culturelle, ce thriller original et authentique oscille entre fiction et réalité.

Quand le cinéma d’auteur parisien fait escale à Bollywood

Surnommé « Little Jaffna », ce quartier de Paris est le cœur d’une communauté tamoule vibrante, où Michael (Lawrence Valin), jeune policier, est chargé d’infiltrer un groupe criminel connu pour l’extorsion et le blanchiment d’argent au profit des rebelles séparatistes au Sri Lanka. Mais à mesure qu’il s’enfonce au cœur de l’organisation, sa loyauté est mise à l’épreuve, dans une poursuite implacable contre l’un des gangs les plus secrets et puissants de Paris.

Little Jaffna, titré d’après le surnom du quartier parisien éponyme, s’intéresse à la diaspora sri-lankaise en France, principalement tamoule et originaire de la péninsule de Jaffna. Dans l’Hexagone, les Tamouls sri lankais sont surtout installés en Île-de-France et s’appuient sur un vaste réseau de solidarité communautaire, dont l’un des maillons centraux est le quartier de La Chapelle dans le nord de Paris.

Zinc

La mise en scène de Little Jaffna est tout à fait inédite et novatrice, puisant à la fois dans les esthétiques occidentale et sri-lankaise : dans la ville de Paris, au milieu des bâtiments haussmanniens, se jouent des scènes d'action stylisées, colorées et dynamiques, ouvertement inspirées du cinéma bollywoodien. Le film est également marqué par une utilisation singulière de la musique, alternant des morceaux de rap tamouls fédérateurs, mais aussi du folklore et des compositions européennes plus inquiétantes, reflétant les tensions et hésitations du personnage principal. Enfin, la distribution, majoritairement composée d'acteurs franco-tamouls, apporte une authenticité supplémentaire au récit. Autant de raisons qui ont permis au long-métrage de Lawrence Valin de remporter le Prix du Public et le Prix du Jury du Festival Reims Polar début avril.

Little Jaffna
Little Jaffna
Sortie : 30 avril 2025 | 1h 39min
De Lawrence Valin
Avec Lawrence Valin, Puviraj Raveendran, Vela Ramamoorthy
Presse
3,7
Spectateurs
3,8
Séances (237)

Sous-jacente à l’intrigue, une question traverse le film : celle de l’appartenance à une communauté, en opposition ou non à l’intégration de son pays d’accueil.

Un point de vue singulier sur une communauté en exil

Soucieux de contextualiser son intrigue, Little Jaffna introduit du contexte dès ses premières minutes pour expliquer la présence de Sri Lankais en France, et notamment à Paris.

Little Jaffna a pour toile de fond la guerre civile ayant fait plus de 70 000 morts et opposé, de 1983 à 2009, le gouvernement sri lankais aux Tigres tamoul, un groupe né dans les années 70 ayant lutté contre la dictature militaire avant d’être déclaré “organisation terroriste” en 2006 par l’Union Européenne.

Le comédien Lawrence Valin (Le Beau Monde, Lola Pater, Hauts perchés), lui-même issu de la diaspora sri lankaise, a choisi de réaliser ce premier long-métrage audacieux en se basant sur cette “fiction historique” dans laquelle il incarne lui-même le personnage principal.

Il raconte : “J’ai grandi en dehors de cette communauté avec ma mère et ma grand-mère. J’étais français et ne me sentais finalement pas particulièrement tamoul. Mais quand je suis arrivé dans le cinéma, on m’a tout de suite assigné à mon origine. J’avais compris que dans le cinéma français, je n’avais pas forcément la bonne couleur de peau. Pareil en Inde, où je suis considéré comme un blanc. Faire ce film était l’occasion de me créer une place. Et cette place, c’est d’être les deux. C’est pour cela que mon premier film parle de mes racines et me permet d’aller à la découverte de mon histoire.”

Zinc

En effet, le cinéaste propose ici un point de vue original : celui d’une intégration culturelle “réussie” à travers le personnage de Michael, arrivé en France à l’âge de 4 ans et qui a réalisé toute sa scolarité et ses études supérieures dans son pays d’accueil. Aujourd’hui jeune policier (d’apparence pleinement intégré), il est infiltré dans le “camp adverse” : celui de tamouls extrémistes installés à Paris et ayant fait le choix délibéré de ne pas s’intégrer. Au fur et à mesure du film, et notamment grâce à sa discrétion, son intelligence et sa “connaissance des blancs”, Michael va devenir indispensable aux yeux du chef de gang surpuissant et au sein de la communauté « Little Jaffna », dont il va partager les joies et les peines…

“Derrière la question de la trahison, il y a aussi celle de la loyauté, qui est un des vecteurs du scénario. Dans le film, il y a deux formes de loyauté que je mets en confrontation, celle avec son engagement policier, celle de son éducation aussi et celle de la communauté” confie le réalisateur.

Réflexion singulière sur l’identité, l’appartenance et la violence qui marquent une communauté en exil, Little Jaffna est à découvrir en salle dès maintenant.

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