Quelques heures avant le coup d’envoi officiel de l’édition 2025, le Festival d’Annecy s’est ouvert avec une leçon de cinéma exceptionnelle livrée par Michel Gondry. Le réalisateur français est présent cette année en temps qu’invité d’honneur, mais également pour dévoiler son tout nouveau film d’animation Maya, donne-moi un autre titre.
Le grand public connaît davantage le travail de Michel Gondry dans le cinéma en prises de vues réelles : Eternal Sunshine of the Spotless Mind, Soyez sympas, rembobinez, L’Écume des jours ou encore Le Livre des solutions avec Pierre Niney.
L’animation a pourtant été employée sur certains clips du cinéaste – notamment Fell in Love With a Girl des White Stripes et Like A Rolling Stone des Rolling Stones – et sur ses deux derniers films : Maya, donne-moi un titre et sa suite Maya, donne-moi un autre titre.

Un Cristal et des punchlines
Sur la scène du théâtre Bonlieu, le réalisateur s’est vu remettre un Cristal d’honneur récompensant l’ensemble de sa carrière des mains de son frère Olivier Gondry. Une attention qui a semblé beaucoup toucher le cinéaste, mais ce dernier a très vite retrouvé ses esprits en dévoilant quel effet d’optique lui inspire son prix.
"On peut tout imaginer avec un dessin. C’est un geste banal, mais avec un papier et un crayon on peut tout faire" déclare assez rapidement dans cette masterclass le touche-à-tout génial. Mais elle est aussi pour un cinéaste un moyen de contourner des problèmes de budget. À titre d’exemple, Michel Gondry se remémore des transitions numériques pour son film Eternal Sunshine of the Spotless Mind.
La production l’a prévenu peu avant le tournage qu’il ne serait pas possible de tourner la séquence initialement prévue, pour des raisons de budget. Michel Gondry a très vite été rassuré par son co-scénariste Charlie Kaufman qui a vu là l’occasion parfaite de simplifier l’idée via des effets plus simples.

Gondry règle ses comptes avec les gros studios
"Le cinéma c’est l’art du compromis. C’est donc important d’avoir des idées pour trouver des solutions à cela" philosophe-t-il avant d’ajouter avec humour - et sûrement un peu de vécu personnel : "Il faut mettre son égo au bon endroit. Les bonnes idées viennent parfois de l’extérieur. Ce qui est horrible en revanche, c’est d’avoir à faire les mauvaises idées des autres."
Un tacle adressé à son film Green Hornet, qu’il ne nomme pas, sa seule production à très gros budget. De ce long métrage de super-héros, Gondry se souvient l’impression désagréable d’avoir été engagé puis d’avoir été combattu par la production pour les mêmes raisons. « J’avais l’impression d’être sur le tournage le gosse qu’on veut envoyer tôt au lit » se souvient-il avec amertume
Si vous voulez faire plaisir à Michel Gondry, ne lui dites pas que votre film préféré de sa filmographie est Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Non pas parce qu’il renie ce long métrage, mais en partie parce qu’il lui rappelle une douloureuse rupture sentimentale. "J’aime bien quand on me cite un autre film que celui-ci, car ça me prouve que je n’ai pas fait un seul bon dans ma carrière" ajoute-il avec une candeur qui touche toute l’assemblée réunie devant lui.
Ce film de 2015 est celui que Michel Gondry considère comme le plus personnel
Son film le plus personnel est selon lui Microbe et Gasoil. Ce road-movie sorti en 2015 met en scène le voyage entrepris par deux ados sur les routes de la France, à bord de la voiture qu’ils ont eux-mêmes construite. "C’est plus simple pour moi de m’identifier à des ados de 14 ou 15 ans" explique le cinéaste, qui évoque aussi l’importance qu’ont eu ses rêves pour l’écriture du film :
"J’ai noté tous mes rêves pendant l’écriture du film, et je les ai mis dans la seconde partie du film. Je n’ai pas cherché à les expliquer, je me suis dit que si je les ai eus à cette période c’est qu’ils ont un sens" explique Michel Gondry, qui refuse toutefois que l’on fasse un parallèle entre ses rêves – et ses cauchemars – avec les films qu’il a ensuite tournés.
Ce panel a également permis à Michel Gondry de dévoiler les choses qui l’énervent. Le fait que l’on compare son travail à de "la pâte à modeler". D’ailleurs, celui-ci ne se définit pas comme quelqu’un de "nostalgique" : "J’ai déjà travaillé avec le numérique, je ne crois pas que tout était mieux avant. Je choisis juste l’outil le plus adapté à l’idée que je veux mettre en image."

Ce que Michel Gondry déteste par-dessus tout
Le réalisateur a également pesté contre ces metteurs en scène qui le plagient, mais justifient leur geste comme un "hommage" à son travail. "Je déteste tous ceux qui disent qu’on ne créée plus rien de nos jours, mais que désormais tout se recycle" ajoute-il, révélant avoir lui-même cédé à la tentation d’un plagiat pour les besoins d’un vidéoclip mais de s’être excusé auprès de l’artiste concerné.
Se qualifiant comme "impatient" - souhaitant mettre en pratique une idée dans la minute où elle lui vient en tête (ce que l’animation ne permet évidemment pas) – Michel Gondry s’amuse également à se considérer comme quelqu’un "atteint d’un syndrome adouci de la Tourette."
En presque 90 minutes d’échange, le réalisateur a offert une plongée dans son imaginaire et révélé également son talent naturel de showman sur scène. Soit l’ouverture rêvée pour cette édition 2025 du Festival d’Annecy !