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    A la rencontre de Robert Carmichael

    Héros téméraire du film qui secoua la Croisette en 2005, "The Great ecstasy of Robert Carmichael" de Thomas Clay, dans les salles aujourd'hui, le jeune comédien Daniel Spencer répond aux questions d'Allociné.

    Allociné : "The Great ecstasy of Robert Carmichael" est votre première expérience de comédien. Comment avez-vous obtenu le rôle ?

    Daniel Spencer : Les acteurs principaux ont été choisis à Londres, mais pour les figurants et les petits rôles, l'équipe est venue dans ma ville, Newhaven, là où le film a été tourné. Au départ, j'ai décroché un rôle avec une ligne de dialogue, j'étais ravi. Quelques semaines plus tard, Tom m'a appelé pour me proposer de venir à une audition pour le rôle de Robert Carmichael. Ils avaient déjà choisi un acteur, mais n'en étaient pas très contents. L'audition a duré 3 heures, et j'ai été choisi. J'ai laissé tombé les études et mon job dans le supermarché de Newhaven pendant les 5 semaines du tournage. Ce qui m'arrive est quand même incroyable : je viens d'un bled, je fais un boulot modeste, et je me retrouve au Festival de Cannes, maintenant à Dinard [cette interview a été réalisée pendant le Festival du Film britannique]...

    Savez-vous ce qui a convaincu le cinéaste de vous confier le rôle principal ?

    Maintenant que j'ai vu le film plusieurs fois, je peux comprendre pourquoi je pouvais convenir, surtout pour le début du film, qui décrit sa situation sociale, son caractère. Je n'avais jamais fait de film auparavant, donc mon jeu était assez naturaliste, ça ne pouvait pas être de la composition.

    Comment avez-vous réagi à la lecture du scénario ?

    La toute première fois, je n'ai lu que la scène dans laquelle les filles draguent le prof à la fin du cours. Un peu plus tard, j'ai lu celle où on traine autour du mémorial de guerre. J'ai trouvé que les dialogues visaient juste, on rencontre vraiment des adolescents comme ça dans cette région de l'Angleterre. Mais après, en lisant la totalité du scénario, j'ai vu qu'il y avait en fait très peu de dialogues. Ce sont des longues scènes, avec des plans larges, comme si on faisait un pas en arrière pour avoir une vue d'ensemble. La fin n'est pas aussi choquante sur le scénario qu'à l'écran, mais je me suis dit : il y a quelque chose de différent, qui a un impact sur le spectateur. Ce n'est pas une histoire "jolie", ça vous fait réflechir.

    L'audace de certaines scènes vous a-t-elle fait hésiter ?

    Je dois dire que j'étais tellement heureux d'avoir décroché le rôle que je n'ai pas vraiment pensé à ça. Mais une fois rentré chez moi, en m'asseyant pour lire le scénario, je me suis dit "Putain ! Va falloir s'accrocher !" Avant le tournage, on a répété pendant deux semaines, surtout pour que je fasse connaissance avec les autres acteurs, qui étaient dans le projet depuis longtemps : j'étais un peu le petit nouveau sur le plateau. Je me suis très vite fait des amis, je m'entendais par exemple très bien avec Ryan [Winsley] qui joue Joe. Les gens de l'équipe m'ont beaucoup soutenu. La dernière scène du film est aussi la dernière qu'on ait tournée, donc j'ai eu le temps d'y réfléchir. Je savais qu'il fallait que j'assure, parce que c'est cette scène qui donne au film tout son sens. Il fallait que ce soit effrayant, choquant. On a fait deux ou trois prises pour cette scène, mais beaucoup plus pour les autres, souvent près d'une vingtaine.

    Je crois qu'une psy était présente sur le plateau. Quel a été son rôle ?

    Elle n'était pas présente toute au long du tournage. Pour la dernière scène, on était dans une petite pièce, le reste de l'équipe n'avait pas le droit de nous adresser la parole. C'était assez étrange, quand on allait leur parler, ils nous disaient : on voudrait bien vous aider, mais on doit vous laisser... La psy, elle, était là pour parler avec nous. En fait, on n'a pas tellement parlé du film, mais plutôt de ma vie hors du tournage. Ce qui comptait pour elle, c'était que je réussisse non pas à être Robert Carmichael, mais Dan Spencer. Donc je lui parlais de moi, de mes amis. Il fallait qu'après le tournage je retrouve ma vie normale. De ce point de vue, elle m'a vraiment aidé.

    Avez-vous ressenti le besoin de demander certaines explications au réalisateur ?

    Pas vraiment. J'ai essayé de demander à Tom et à Joseph de me parler du passé de Robert, mais ils ne voulaient pas trop me donner d'informations. Ce personnage pose beaucoup de questions au spectateur, et à moi aussi naturellement. Tout est dans sa tête. Ce qui est intéressant, c'est que les spectateurs doivent eux-mêmes remplir les blancs de cette histoire. Le manque de dialogue ne m'a pas posé de problème, je savais que je devais faire passer les choses par des petits gestes, de légers mouvements pour appréhender le personnage, sa nervosité, son côté antisocial. Ca n'a pas été très difficile parce que le scénario était très bien écrit.

    Vous attendiez-vous à ce que la fin du film suscite des réactions si violentes ?

    Pas du tout. Quand je voyais les rushes chaque jour pendant le tournage, je me disais juste "quel beau film, vraiment !". Mais je n'ai pas vu les rushes de la dernière scène, car on l'a tournée à la fin. J'ai découvert le film en septembre 2004 lors d'une projection organisée à Londres pour l'équipe et quelques amis. C'était assez calme. La première fois que j'ai vu une forte réaction, c'était à Cannes. C'était incroyable, il y avait des filles qui pleuraient. Je ne pensais pas qu'un film pouvait avoir un tel effet sur les gens... Le plus étonnant, c'est que les gens se battaient pour aller voir le film, il y avait des queues interminables, mais dès le début de la denière scène, avec la violence qui devient plus réelle, les gens ont commencé à sortir. J'ai mis un certain temps à comprendre que c'est parce qu'ils étaient choqués. On a organisé un débat après la projection, c'était assez tendu, beaucoup de questions délicates ont été posées. Mais c'est intéressant de voir que les gens réagissent tous de façon très forte : certaient sont outrés, d'autres tristes, d'autres encore adorent. Qu'un film puisse produire des émotions aussi fortes, c'est vraiment étonnant. En tout cas, je crois qu'il faut absolument que les gens restent jusqu'à la fin.

    Une sortie en Angleterre est-elle prévue ?

    Nous avons un distributeur, mais je ne sais pas encore quand le film sortira. Plusieurs articles sont parus dans les journaux locaux, dans la région où le film a été tourné. Ils avaient peur de l'image renvoyée par le film, mais la plupart des journalistes ne l''avaient pas vu, ils en avaient juste entendu parlé. Certains disaient qu'il fallait bannir le film. Moi, je pense que c'est un film important, et que les gens doivent le voir, surtout en Grande-Bretagne.

    Que vous a appris cette expérience ?

    La chose la plus importante que m'ait apportée ce film, c'est une grande confiance. Au collège, j'étais assez réservé, je ne connaissais pas grand-monde hors de Newhaven. Sur ce tournage, j'ai fait connaissance avec tous ces gens de Londres, ces rencontres sont bénéfiques. D'autre part, cette fameuse dernière scène a constitué un véritable défi pour moi, et le fait d'y arriver m'a procuré une certaine fierté, à moi qui viens de nulle part, et qui me retrouvais face à tous ces acteurs. Sans dire que ma performance soit exceptionnelle, je suis content de mon travail et j'aimerais bien recommencer.

    Avez-vous des projets ?

    Retourner travailler au supermarché... J'aimerais beaucoup jouer dans un autre film, mais en même temps ce n'est pas quelque chose que j'avais imaginé faire un jour. Je ne veux pas harceler les gens pour obtenir un rôle à tout prix. Je suis fier de ce que j'ai fait sur ce film, et si un réalisateur ou un agent me proposait quelque chose, ce serait formidable. Je m'intéresse aux différents aspects du cinéma, j'ai suivi des cours sur les médias à la fac, donc ça m'intéresse depuis longtemps. Mais bon, lundi, je retourne travailler à Newhaven, et ça me plait aussi.

    Recueilli à Dinard par Julien Dokhan

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