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    "Le Perroquet rouge" : rencontre avec le réalisateur

    A l'occasion de la sortie en salles du "Perroquet rouge" ce mercredi, AlloCiné a rencontré le réalisateur Dominik Graf.

    AlloCiné : Qu'est-ce qui vous a attiré dans ce projet ? Vous vous écartez du thriller et du film policier, vos genres de prédilection...

    Dominik Graf : J'aime tourner des films policiers ou des films qui se situent dans le milieu de la prostitution. Avec eux, je peux faire du "cinéma", mais au sens de la différenciation entre "cinéma" et "film" de Godard. Je vois dans le thriller la possibilité de chercher un nouveau style, une conséquence narrative et une sorte d'underground intellectuel. Ce qu'on appelle "cinéma" aujourd'hui, dans le sens aussi bien commercial qu'artistique, est juste, à mon avis, un rassemblement de films de festival, échangeables dans leurs thématiques. Le Perroquet Rouge était pour moi, dès le début, une grande exception. Il traitait une matière réelle et courageuse et ne voulait pas enseigner une opinion sur la R.D.A. En fait, le film ne raconte qu'un moment d'espoir, un "Summer of Love" dans la R.D.A de 1961, qui trouve sa fin à tout point de vue avec la construction du mur.

    Le film commence avec une musique russe très joyeuse. Elle revient plusieurs fois, par exemple pendant la scène de la bagarre dans le parc. Les danses russes semblent très caricaturales. Aviez-vous envie de caricaturer la vie dans la R.D.A ?

    Chaque jeunesse a le droit de se moquer de ses autorités : les politiciens, les profs, les parents ou les policiers – peu importe s'ils frappent comme dans la R.D.A. ou s'ils s'occupent principalement des impôts ou se baladent dans les débats télévisés comme c'est le cas aujourd'hui en Allemagne. La R.D.A. était un état autoritaire comme il y en avait beaucoup dans l'histoire de l'Allemagne. Je pense que dans un film de ce genre, il faut se moquer de cela. Les spectateurs doivent sentir à quel point les jeunes de l'époque étaient rebelles. Il y avait plus de rigolade qu'on pourrait le penser.

    Dans le film, la musique rock'n'roll évoque une sensation de liberté. Quelle musique écoutiez-vous pendant les années 60 et 70 et quels sentiments a-t-elle provoqué en vous ?

    J'ai découvert la musique rock seulement en 1966... Les Beatles, les Stones, Jimi Hendrix, etc... J'ai également joué dans des groupes et, plus tard, j'ai composé ma propre musique de film. Aujourd'hui, on ne peut plus décrire l'impact de la musique pop/rock de cette époque. La musique rock, de nos jours est commerciale, elle met les jeunes dans un moule et est plutôt conventionnelle. À l'époque, la musique était une incroyable promesse.

    Le centre du film est une histoire d'amour qui commence quelques semaines avant la construction du mur de Berlin et s'arrête brusquement le 13 août 1961, jour où débute le barrage des rues et des voies de chemins de fer. Etait-ce important pour vous de montrer l'ambiance générale de la population à cette époque ?

    J'ai essayé de filmer l'ambiance générale, de faire sentir l'atmosphère. Je ne voulais pas faire une thèse sur l'histoire de la R.D.A. On doit sentir le soleil de l'été 1961 sous lequel se baladaient Luise et Siggi.

    Vous avez, comme Jessica Schwarz, grandi en R.F.A. Les deux acteurs principaux, Max Riemelt et Ronald Zehrfeld, sont trop jeunes pour avoir vécu le vrai quotidien de la R.D.A. Est-ce que vous étiez critiqué en Allemagne pour ce manque d'expérience ?

    On était évidemment beaucoup critiqués. Depuis "le tournant" de 1990, les " Wessis " (surnom des Allemands de l'Ouest) n'ont plus le droit de se faire une image de la R.D.A., sauf si l'on suit le consensus habituel de la R.D.A., comme c'était le cas dans La Vie des autres. Max Riemelt et Ronald Zehrfeld ont, grâce à leurs origines, un savoir génétique et profond. La R.D.A. n'appartient pas seulement aux "témoins" qui étaient traînés devant une caméra, aux rédacteurs politiques ou aux réalisateurs de documentaires "historiques". La R.D.A. appartient à tout le monde et nous avons le droit d'avoir une opinion et un sentiment. Ce film est le rêve de Günter Schütter et de moi-même. Il se base sur des souvenirs de Michael Klier.

    Luise est une personne très forte et idéaliste. Est-ce que vous pensez qu'il y avait une différence entre l'image de la femme en R.D.A. et celle en R.F.A. ?

    Oui, Luise était un très grand personnage pour moi. Les femmes de la R.D.A. étaient très politisées, plus indépendantes et plus sûr d'elles qu'en R.F.A. Je crois qu'aujourd'hui, on ne sait rien des personnes fabuleuses et drôles qu'il y avait en R.D.A. Des personnes comme Wolle, qui cherchaient désespérément du plaisir dans la vie. Des personnes comme Luise, qui ne croyaient pas vraiment au système de la R.D.A., mais qui trouvaient de l'espoir dans le vrai marxisme. Ou des personnes comme Siggi, qui ne savaient jamais où se trouvait leur place.

    Dans le film, Heinrich Böll est cité comme auteur favori de Luise. Que pensez vous d'Heinrich Böll et de son engagement politique ?

    Böll est l'archétype des citoyens loyaux de la R.F.A. Il a dénoncé la bigoterie dégoûtante de cet état d'Adenauer et des anciens nazis. Böll était une des rares personnes "justes" en R.F.A., qui ont exigé "la raison, le coeur et la morale claire." Il représentait sûrement l'espoir pour les jeunes de la R.F.A et de la R.D.A. Son attitude concernant la FAR (la Fraction Armée Rouge) était sans égal.

    Qu'apporte le succès international des films comme "Good Bye, Lenin !", "La Vie des autres" ou "Le Perroquet rouge" au cinéma allemand ? Dans quelle catégorie classeriez-vous "Le Perroquet rouge" ?

    J'avais dit une fois que Le Perroquet Rouge pourrait être le prequel de Good Bye, Lenin! car, autrefois, la mère de Good Bye, Lenin!, Katrin Sass, aurait pu être une femme comme Luise dans Le Perroquet Rouge quand elle était jeune. Le succès des films allemands à l'étranger est une bonne chose, mais le consensus autour de La Vie des autres me gêne un peu...

    Propos recueillis par Barbara Füchs

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