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    La Consolation : "Corinne Masiero est quelqu'un qui m'inspire beaucoup"

    Après "Louise Wimmer", Cyril Mennegun signe "La Consolation". Le cinéaste retrouve Corinne Masiero, héroïne actuellement de la série à succès "Capitaine Marleau", et met en lumière la révélation Alexandre Guansé. Rencontre avec Cyril Mennegun.

    Marie Clémence David 2017

    AlloCiné : Comment présenteriez-vous La Consolation ? Comment en parler sans trop en dévoiler ?

    Cyril Mennegun, réalisateur et scénariste : Ce n’est pas un film facile à raconter par définition, parce qu’il ne repose pas sur un pitch. Et puis, c’est un sujet très universel. C’est un film qu’on peut présenter, comme un voyage, parce que ça évoque quelque chose de lointain. Mais à vrai dire, cela va avec ce que je cherche moi-même au cinéma, c’est-à-dire quelque chose de l’ordre de l’intérieur. Un film qui contrairement à ce qu’on pourrait imaginer aussi -comme ce n’est pas une comédie, comme ce n’est pas un cinéma d’essence populaire-, on peut tout à fait le taxer de truc intello par exemple. Mais ce n’est pas le cas.

    C’est un film qui s’adresse vraiment à autre chose qu’au cerveau. C’est un film qui s’adresse aux souvenirs, qui s’adresse au corps, qui s’adresse à notre capacité de perception des atmosphères, des sons, de notre relation à nous-même. C’est un film qui s’adresse aux yeux, aux oreilles, mais qui s’adresse à notre capacité d’entrer à l’intérieur d’une œuvre, comme d’un tableau. C’est une des grandes qualités du cinéma de pouvoir faire ça aussi.

    C’est ce qui m’intéresse aujourd’hui dans le cinéma, de pouvoir provoquer cette relation là du spectateur au film qui n’est pas de l’ordre du divertissement mais de l’imprégnation, de l’infusion, de la manière dont on se met à l’intérieur d’un film comme d’un tableau. Ou comme quand on écoute de la musique, une musique qu’on aime particulièrement, qui nous fait vibrer, et qu’on ferme les yeux et qu’on l’écoute, on part dans quelque chose. C’est ce que j’essaye de faire avec ce film. C’est la manière la plus simple d’en parler. 

    Marie Clémence David 2017

    Il y a vraiment une attention aux détails, un travail sur le son, la texture, la lumière...

    Ce film vient pour moi d’une envie de faire du cinéma, par pour imposer mon regard, mais pour que je puisse moi-même trouver une qualité de regard et d’écoute sur ce qui m’entoure, d’être sur-attentif aux détails. C’est à dire, par exemple quand on voit une foule, voir les êtres qui la composent. C’est la même relation aux choses.

    L’attention aux détails, qu’ils soient sonores ou visuels, c’est notre relation au monde, c’est ce qui nous raconte, c’est ce qui nous dit d’où on vient, où on va, ce qui nous dit qu’on existe vraiment. C’est là aussi, parce que je parle souvent de poésie et plus exactement de poétique, et poétique pour moi ça a cette définition là, c’est-à-dire cette relation aux détails.

    Les Impressionnistes par exemple étaient capables de regarder une pomme et partir dans des délires. C’est ça qui compte : comment on regarde un objet et comment on est capable d’en faire autre chose et du coup d’habiter le monde autrement, avec plus d’attention, avec plus de soin.

    Y a-t-il des films, des cinéastes qui ont compté pour vous, ou peut être justement plutôt de la peinture ou de la musique qui vous auraient influencé dans votre travail ?

    C’est un grand patchwork. J’ai beaucoup hésité, par exemple, à parler de Tarkovski parce que ça paraît très prétentieux. Il y a un truc comme ça… C’est un peu comme si je faisais une expo de peinture et que je parlais de Léonard de Vinci (sourire).

    Je me suis construit une cinéphilie très tardive, du fait que je suis autodidacte. Je ne viens pas d’un milieu, d’une famille où l’artistique, que ce soit les musées, la littérature, n’importe quoi d’autre, a la moindre importance. Je viens d’un milieu où tout ça n’existe quasiment pas. J’ai construit ma cinéphilie tardivement moi-même, un peu par hasard, en me perdant, en regardant des choses qui ne me plaisaient pas. Par exemple, Tarkovski, j’ai regardé les premiers, je devais avoir 13 ou 14 ans, ça m’avait complètement déplu. Et pour autant, 'bim', c’est resté dans ma tête. Tant et si bien qu’à un certain âge, quand j’ai revu les films, ça m’a provoqué quelque chose de très très fort. Parce que déjà j’étais en âge de voir les films, de les comprendre.

    De ne pas avoir envie de voir un film juste pour passer un bon moment, passer du temps comme ça. C’est là où je pense qu’il y a une démarche un peu inconsciente, je me dis quand je travaille que je suis heureux que ces hommes là ont existé. Je lis par exemple en ce moment le journal de Tarkovski, qui a été réédité. C’est phénoménal ce que cet homme en a bavé pour faire ses films et pour vivre sa vie de cinéaste.

    C’est presque de l’ordre du cinéma comme leçon de vie. C’est fou ce que ces hommes, ces grands peintres, devaient être riches à l’intérieur pour pouvoir traverser tout ça et pouvoir faire ce qu’ils ont à faire comme un sacerdoce. Ce n’est pas par hasard si leurs films sont si forts et si éternels presque. Combien d’hommes comme ça y a-t-il aujourd’hui dans le cinéma mondial? Certains d’entre eux ont été très ignorés aussi à certains moments de leur carrière, méprisés aussi. Ce sont de vraies leçons de cinéma, de vie et de courage. C’est tout ça qui m’inspire par exemple quand je parle de Tarkovski.

    Marie Clémence David 2017

    Vous avez utilisé le mot sacerdoce. Est-ce que ce film a été un sacerdoce ?

    Oui, si ça n’en avait pas été un, d’une certaine manière, je ne l’aurai pas fait. C’était tellement compliqué à faire, à financer ; tellement compliqué de convaincre avec quelque chose qui est si peu narratif que, du coup, il est jugé comme un geste de cinéma. Mais pour moi ce n’était pas juste un geste de cinéma, c’était le film que j’avais envie de faire à cet instant.

    A parti de là, oui, il faut quand même être animé par quelque chose qui dépasse nos simples peurs. Peur de ne pas être aimé, peur de ne pas être reconnu, peur de ne pas payer son loyer… Avec toutes ces peurs, si on n’est pas animé un peu par un truc, on ne les dépasse pas, et du coup, on fait un autre film. On fait Louise Wimmer 2. N’importe quoi mais pas ça.

    C’est là où c’est intéressant de faire ce genre de films, ou au moins d’essayer, c’est qu’ils nous font faire face à notre propre désir de faire les choses. Si tu testes comme ça, si je vais au bout, peu importe le résultat, c’est quand même j’en tire quelque chose, j’en tire un plaisir. Sinon, j’irais à La Poste. Au moins j’aurai des vacances !

    Ce n'est pas Louise Wimmer 2, mais il y a un lien avec ce film, c’est Corinne Masiero, une personne, qui pour l'avoir rencontrée, est immédiatement très attachante et vous met à l'aise. Il y a une forme de continuité dans votre collaboration. Parleriez-vous d'elle comme une muse ?

    Ca ressemble à ça et c’est quand même le hasard qui m’a fait la rencontrer. Corinne est quelqu’un qui m’inspire beaucoup. C’est quelqu’un qui me touche. C’est quelqu’un quand je la regarde, ça me raconte des histoires. Ca me fait envie de faire des choses aussi pour lui faire plaisir. Il y a aussi quelque chose de cet ordre.

    C’est vraiment quelqu’un que j’aime humainement aussi, avec qui j’ai envie de travailler parce que je sais que ça m’apporte quelque chose de fort. Et puis c’est un challenge aussi parce que j’ai à chaque fois envie de la montrer autrement. J’ai à chaque fois envie, comme actrice,  de lui donner un matériel différent, de l’emmener ailleurs. C’est très riche et ça j’y tiens beaucoup.

    Marie Clémence David 2017

    Comment avez-vous trouvé Alexandre Guansé, qui est une vraie découverte ? Est-ce son premier rôle ?

    Il avait fait un petit peu de cinéma. Il a tenu quelques rôles, dans Cloclo et dans Coco Chanel et Igor Stravinsky, avec Anna Mouglalis. C’est quelqu’un que j’ai rentré il y a longtemps maintenant. C’était un tout petit peu avant le tournage de Louise Wimmer. J’étais déjà un peu en mode comme ça de chercher des gens, de réfléchir à la suite. J’avais une idée en tête où j’avais envie d’un type de comédien et j’avais commencé à chercher. Cette idée n’est pas du tout le film qui existe aujourd’hui. C’est amplement transformé depuis. Mais comme Louise Wimmer, La Consolation est un film écrit pour Alexandre et Corinne. Ca tient compte de choses auxquelles ils sont sensibles. Il y a de vraies choses qui leur appartiennent.

    Alexandre, je l’ai rencontré au théâtre. J’ai été séduit par le côté homme-enfant, un truc viril, mais en même temps, ça doit être facile de le blesser, de le bousculer, avec quelque chose d’un peu féminin aussi. J’ai été assez intrigué, attiré par ça. De cet élément là, c’est devenu petit à petit La Consolation.

    A noter que Cyril Mennegun sera présent tous les soirs, à partir de ce mercredi 5 avril, au cinéma le Nouvel Odéon à Paris pour échanger avec le public après la séance de 19h20 :

    La bande-annonce de La Consolation :

     

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