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    La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert : "La série nous semblait le meilleur moyen de rester fidèle au livre" pour Joël Dicker

    L'auteur Joël Dicker était venu présenter "La vérité sur l'affaire Harry Quebert" à Canneséries en avril dernier, adaptée de son best-seller par Jean-Jacques Annaud. Nous l'avons rencontré et sommes revenus avec lui sur cette aventure exceptionnelle.

    COADIC GUIREC / BESTIMAGE

    AlloCiné : Avant que la série "La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert" ne naisse, il y a eu quelques rumeurs autour de l'adaptation. Est-ce que vous pouvez revenir sur cette période où on s'arrachait les droits de votre roman ?

    Joël Dicker : Il y a eu beaucoup d'intérêt autour du livre, du fait de son succès. Les producteurs et les studios sont plus que jamais à la recherche de contenus, notamment pour les séries, donc ça n'avait rien de surprenant. Mon éditeur Bernard de Falois a reçu beaucoup de propositions et il a été attentif à l'enthousiasme qui émanait de chacune d'entre elles. Parce qu'il y a des tas de livres dont les droits sont optionnés chaque année et il y en a peu au final qui voient le jour. Je pense instinctivement au grand succès de Donna Tartt Le Maître des illusions, qui avait été optionné par un studio et le film ne s'est jamais fait alors que c'était un best-seller mondial ! Il ne voulait pas que ça nous arrive. Il voulait un beau projet, c'était un grand cinéphile. Il a refusé la plupart des projets. Il attendait l'étincelle. Et il l'a eu en janvier 2016 lorsque Fabio Conversi, qui est vraiment le père de ce projet, est venu nous rencontrer. Il avait un enthousiasme débordant, il a beaucoup insisté, il est arrivé avec Jean-Jacques Annaud, qui avait déjà énormément réfléchi à ce qu'il voulait faire. Ils sont arrivés avec du concret, ils ont su nous faire rêver. 

    Et le fait que l'on vous propose de partir sur une série, et non un film, ça ne vous a pas rebuté en premier lieu ?

    Depuis le départ on était très hésitant sur ce que l'on voulait, quel format se prêtait le mieux pour l'adaptation. La série nous semblait sans doute le meilleur moyen de rester fidèle au livre, mais Bernard de Falois, qui ne voyait pas encore le format série comme quelque chose d'aussi prestigieux que le cinéma, freinait un peu. Et c'est l'avis de Jean-Jacques Annaud, qui lui était convaincu qu'il fallait en faire une série, qui a été décisif. Il a su trouver les mots pour le convaincre, il a présenté le projet comme un méga-métrage, divisé en 10 parties. Et quand ça s'est fait et que Bernard a vu les premières images, il s'est exclamé : "C'est pas une série, c'est un film !". Et au final, à titre personnel je suis ravi car entre la sortie du livre et aujourd'hui, la télévision a beaucoup évolué et les gens sont prêts à passer huit heures d'affilée à regarder une série qui leur plaît, de la même manière que les gens lisaient le livre sans réussir à s'arrêter.

    Mais d'ailleurs, vous regrettez que les gens lisent aussi vite vos livres. Est-ce que ça vous embêterait qu'on regarde aussi vite la série ?

    Pour moi, c'est vrai que la pause est importante, que ce soit dans la lecture ou le visionnage. Et même en tant qu'auteur, je n'écris pas en continu, je fais des pauses. Mon dernier roman, La Disparition de Stephane Mailer, j'ai mis deux ans et demi à l'écrire par exemple, parce que je me suis arrêté, puis j'ai repris. Quand les gens me disent qu'ils ont lu mes romans en deux jours, qu'ils ont fait une nuit blanche pour le terminer, ça me fait plaisir évidemment. Mais je me dis que c'est important de prendre son temps. L'avidité nous empêche de bien digérer et de voir les détails. Regarder les épisodes un par un, ou deux par deux, ça me semble plus intense que d'enchaîner les épisodes. On peut être plus attentifs. Quand on les regarde à la suite, à un moment donné on va aller chercher à manger, puis on va répondre à un mail, et on va rater des choses. Et on va penser à la prochaine série qu'on va regarder aussi ! Parce qu'il y en a tellement...

    Jean-Jacques a mis du sentiment dans les lieux, dans les paysages...

    Quelle est la plus grande force de l'adaptation signée Jean-Jacques Annaud ?

    Je la trouve sincèrement extraordinaire, avant tout parce qu'elle restitue tous les sentiments qui étaient dans le livre. Tout ce qui est important est là. Un livre, c'est une succession de mots. Un film, c'est une succession d'images. Et lui, il a réussi avec ses belles images à aller au-delà des mots et au-delà des images. Toutes les sensations sont là. Moi-même j'ai été déçu par plein d'adaptations de romans que j'ai aimés, parce que mon imaginaire avait été plus fort que ce que l'on me proposait. Jean-Jacques, il a su combler les vides du livre laissés à l'interprétation de chacun mais si je prends l'exemple de la maison de Harry Quebert : je ne l'ai pas décrite très précisément et il a réussi à trouver ce qui convenait parfaitement. Et on se dit pas juste "Oh quelle maison extraordinaire ! Oh les belles moulures !" Il y a mis du sentiment, dans les lieux, dans les paysages, on les ressent et on a envie d'y être. 

    La fidélité au roman, vous y étiez très attaché ou vous auriez accepté que l'on s'en détache davantage ?

    Pour moi c'était primordial et dans le projet qui nous a été présenté, c'était très clair et c'est aussi pour ça qu'il m'a plu et que je l'ai accepté.

    Vous avez redécouvert votre roman en regardant la série ?

    Il reste très vif à mon esprit, mais il y a quand même des détails que j'avais oubliés et que la série m'a rappelés. Je pense à une page de publicité dans un journal que j'évoquais à un moment, elle y est aussi dans la série, je n'y pensais plus et ça m'a fait quelque chose de la voir. 

    Vous vous êtes rendus sur le tournage ?

    Oui, c'était l'occasion pour moi de découvrir ce que c'était qu'un plateau de cinéma. J'étais émerveillé. C'est magique et Jean-Jacques est un vrai cinéaste qui tourne avec des moyens modernes, mais aussi en utlisant de vieux artifices dont j'ignorais tout de l'existence. Donc de le voir à l'oeuvre, ça m'a fait l'admirer encore plus. D'autant que c'est quelqu'un d'extrêmement gentil tout en étant un vrai meneur d'hommes. Il avait 250 personnes à gérer quand même et il savait parfaitement les fédérer, sans jamais hausser la voix. Et je voyais tous ces gens qui voulaient le rendre heureux, qui voulaient bien faire pour lui. 

    Propos recueillis en avril 2018 à Cannes

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