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    Curiosa : aviez-vous remarqué ces références à Max Ophüls et Louis Malle ?
    Octavie Delaunay
    Octavie Delaunay
    -Chargée de la BDD
    A la recherche permanente de souvenirs irrattrapables, son intérêt pour l’histoire et le cinéma l’a conduit à faire des études poussées dans ces deux domaines et à travailler dans le secteur culturel. Elle est journaliste / rédactrice affiliée à la base de données d’AlloCiné depuis 2018.

    Curiosa est dans les salles depuis mercredi. L’occasion de revenir sur l'émancipation de la femme adultère à travers deux grands films français de patrimoine.

    Réalisé par Lou Jeunet, Curiosa met en scène l'histoire vraie de Marie de Héredia (Noémie Merlant) tiraillée entre son mariage de raison avec Henri de Régnier (Benjamin Lavernhe) et sa passion dévorante pour l'iconoclaste artiste Pierre Louÿs (Niels Schneider). Cette femme, éprise de liberté, va se rebeller contre les conventions sociales. La bande-annonce ci-dessus expose une scène de dispute très violente entre Marie et Henri. Dans ce passage, elle lui hurle à trois reprises ces mots : Je ne vous aime pas. A moitié dénudée, elle rejette férocement et explicitement un époux pour qui elle n'éprouve aucun sentiment.

    Le décor de la bourgeoisie semble être le milieu idéal pour évoquer l'adultère et la passion amoureuse. Soixante-six ans auparavant déjà, en 1953, une jeune femme répète cette même réplique quatre fois. Il s'agit de Danielle Darrieux dans Madame de..., l'adaptation cinématographique de l'ouvrage éponyme de Louise de Vilmorin par Max Ophüls. Le réalisateur allemand, expatrié en France, met alors en scène son actrice fétiche qui souffle d'une toute petite voix à son amant, joué par Vittorio de Sica, la joue collée à une porte, ce leitmotiv mêlant désir et mensonge. L'épouse se doit de dissimuler la vérité afin de correspondre à ce que la morale attend d'elle.

    Curiosa Films

    Cinq ans plus tard, Louise de Vilmorin collabore au scénario et aux dialogues d'un film qui va lui aussi faire date dans l'histoire du cinéma français, Les Amants de Louis Malle. Une fois n'est pas coutume, l'auteure se penche sur l'histoire d'une jeune bourgeoise engoncée dans un quotidien luxueux mais sans vie. Elle découvre la passion dans les bras d'un autre homme que son mari. L'épouse adultère, incarnée ici par Jeanne Moreau, alors en pleine extase, se lance dans une litanie amoureuse de cinq Mon amour. Elle module son intonation et passe du soupir à une voix de stentor. La jeune femme exprime clairement à son partenaire les sentiments qu'elle ressent à son égard. Si le film a fait scandale à l'époque, c'est notamment à cause de cette séquence qui célèbre l'amour clandestin assumé d'une femme.

    De Madame de... à Curiosa en passant par Les Amants, la représentation de la femme bourgeoise adultère cristallise l'émancipation féminine sur plus de la moitié d'un siècle au cinéma. Par le biais d'une boucle d'expression répétée à maintes reprises, la femme soumise à sa condition d'épouse ment à celui qu'elle aime pour qu'enfin les mots prononcés soient destinés au principal concerné, le mari. Une façon pour l'héroïne de crier enfin sa vérité sur l'hypocrisie de son union.

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