AlloCiné : Le sujet des lobbies est complexe et il a été très peu traité en télévision jusqu'ici. Comment, selon vous, Jean-Xavier De Lestrade a réussi à en faire quelque chose de passionnant et d'accessible à tous ?
Alix Poisson : La série parle avant tout du lien très fort entre les journalistes, les politiques et les lobbyistes et je pense que là où il a réussi c'est qu'il a à la fois utilisé tous les outils de la fiction et il a su garder sa patte à lui de documentariste. Puis il a choisi de s'intéresser à un petit député, pas au Président de la République, donc on peut tous potentiellement s'y retrouver plus facilement. Mon personnage est une porte d'entrée aussi parce qu'au-delà de son métier de journaliste, c'est surtout une fille qui est en galère totale, qui a quitté son compagnon, qui vient de se faire virer. Au bout du compte, c'est le destin de gens ordinaires à qui il arrive des choses extraordinaires. Certains en savent aussi peu que nous tous sur ces sujets. Cet agriculteur, ça peut être n'importe quel téléspectateur.
Le sujet est au coeur de l'actualité, en particulier depuis la démission du Gouvernement de Nicolas Hulot...
On ne comprend pas en fait qui sont ces "lobbyistes". On en entend parler sans arrêt mais c'est très abstrait. Et quand Nicolas Hulot dit dans son intervention que ce sont eux qui gouvernent, ça prouve bien à quel point il est primordial de comprendre. Ils ont pris une place hallucinante. Aujourd'hui, je crois que les gens se posent vraiment des questions sur ce qu'ils mangent, ce qu'ils respirent et pourquoi il ne se passe rien. J'espère que ça donnera envie à des gens de regarder la série, mais aussi à l'inverse que la série donnera envie de s'y intéresser et pourquoi pas de s'engager...
Vous pensez qu'une série, française qui plus est, peut réussir à éveiller les consciences ?
J'ai de la chance, toutes les séries que j'ai faites avec Jean-Xavier De Lestrade ont fait bouger quelque chose, en tout cas chez ceux qui les ont regardées. Je crois vraiment que c'est possible. On a tous regardé des séries qui ont transformé quelque chose en nous. Ces derniers temps, sur France Télévisions, il s'est passé des choses fortes. Je pense au téléfilm La Consolation par exemple.
Avez-vous pu rencontrer des journalistes politiques et des lobbyistes pour vous préparer au mieux à votre rôle ?
Oui, j'aime assez faire ça. Alors les lobbyistes, on va pas se mentir, c'est très très compliqué d'en rencontrer. On n'a pas réussi. Mais des journalistes, j'en ai rencontré pas mal. Deux journalistes politiques, dont un qui m'a permis d'accéder à une conférence de rédaction. C'était super. Et puis une journaliste d'investigation, une autre qui avait fait un documentaire sur les lobbies de la pêche, qui m'a raconté avoir été victime de pressions, de menaces... Le vrai truc quoi ! Et j'ai lu beaucoup par ailleurs. Les rubriques politiques et aussi les livres sur les pesticides que Jean-Xavier m'avait conseillé.
En termes de séries politiques peut-être, est-ce que vous avez vu des choses inspirantes ?
Jean-Xavier voulait qu'on ait la même exigence que sa référence en terme de véracité, la britannique State of Play. Et il avait raison, c'est vrai que c'est génial. De mon côté, j'ai revu la série danoise Borgen, où le lien entre les politiques et les journalistes est très fort. Mais aussi ce film génial : The Insider, avec Al Pacino et Russell Crowe.
Est-ce qu'il n'y a que Arte qui peut faire une série comme ça ?
Je suis toujours impressionnée par l'audace des fictions d'Arte. Leur philosophie c'est de raconter le réel. Et même quand c'est un divertissement, il faut que ça ait un point d'ancrage dans la société. Après les choses vont dans le bon sens sur toutes les chaînes, donc Jeux d'influence, j'espère, aurait pu naître ailleurs aussi.
Vous pensez qu'une saison 2 est possible ?
Je n'en ai aucune idée. Narrativement, oui. Les destins de ces personnages peuvent continuer. Mais ça peut exister en tant que tel. 6 épisodes et c'est fini. Un peu comme la série The Night Of, que j'avais adoré. A la fin, vous vous dites que c'est brillant et que ça peut s'arrêter là sans vous frustrer. Mais ça peut aussi continuer. Et je serais plus que partante si c'était le cas !
Propos receuillis lors du Festival de la Fiction TV de La Rochelle en septembre 2018
La bande-annonce de Jeux d'influence tous les jeudis soirs sur Arte et disponible en replay
