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    Killing Eve sur Canal+ : pourquoi le final est-il si décevant ?
    Emilie Semiramoth
    Emilie Semiramoth
    Cheffe du pôle streaming, elle a été biberonnée aux séries et au cinéma d'auteur. Elle ne cache pas son penchant pour la pop culture dans toutes ses excentricités. De la bromance entre Spock et Kirk dans Star Trek aux désillusions de Mulholland Drive de Lynch, elle ignore les frontières des genres.

    Après quatre saisons du jeu du chat et de la souris, entre l’ancienne agente du MI6 Eve Polastri et la tueuse psychopathe Villanelle, Killing Eve vient de s’achever. Comment la série d’espionnage au sous-texte homoérotique se conclut-elle ?

    Attention spoilers ! Si vous n’avez pas vu le dernier épisode de Killing Eve, ne lisez pas ce qui suit !

    Clap de fin sur Killing Eve, la création de Phoebe Waller-Bridge qui est apparue comme un renouvellement rafraîchissant (bien que sanglant) de la série d’espionnage. Avec son humour noir et son ton décalé, la série s’est finie par une lecture de tarots, un mariage et deux morts tragiques.

    Après avoir été séparées l’essentiel de la saison,  Villanelle (Jodie Comer) et Eve (Sandra Oh) se retrouvent une ultime fois dans le dernier épisode, toutes deux unies dans leur quête obsessionnelle d’en finir avec les Douze.

    Killing Eve
    Killing Eve
    Sortie : 2018-04-08 | 60 min
    Série : Killing Eve
    Avec Sandra Oh, Jodie Comer, Fiona Shaw
    Presse
    4,3
    Spectateurs
    4,2
    Voir via MyCanal

    Au cours de leur périple, elles sont hébergées dans un refuge par un joli petit couple tout mielleux dont la symbiose leur renvoie à leur perpétuelle danse de couple dysfonctionnel. Une séance de tarots plus tard, Villanelle est promise à un avenir radieux et Eve à une mort certaine. Ambiance.

    Au petit matin, elles volent comme des sales gosses le van de leurs hôtes, et finissent par acter la fin de leur guéguerre par un baiser torride. L’instant idéalisé, cristallisé depuis la première saison et savamment repoussé tout au long de la série a enfin lieu. Mais comme trop souvent dans les séries ces dernières années, ce baiser annonce un trope trop bien connu… On y revient plus tard.

    Et là, c’est le drame

    Ni une ni deux, Eve et Villanelle ne s’empressent pas de partir au loin pour filer le grand amour. Fidèles à leur projet et leur obsession, elles partent finir le travail et montent à bord d’un bateau privatisé pour un mariage sur les bords de la Tamise qui abrite une réunion secrète des Douze. Pendant qu’Eve officie le mariage, totalement à l’improviste, Villanelle élimine tous les membres de l'organisation secrète.

    C’est juste après, alors qu’elles sont toutes deux sur le pont du bateau, que Villanelle est transpercée par une balle tirée par un sniper invisible. Villanelle se précipite avec Eve dans l’eau pour la protéger des tirs et reçoit encore plusieurs balles. Eve assiste impuissante à sa mort. Elle hurle sa douleur. Et rideau.

    Bury Your Gays

    On vous disait plus haut que le baiser passionné entre Eve et Villanelle annonçait un trope tristement connu : celui de "Bury Your Gays" qu’on peut traduire par "Enterrez vos gays". L’expression désigne cette vilaine habitude des scénaristes de télévision de toujours réserver le même sort à leurs personnages. C’est en résumé un phénomène qui attribue une fin tragique à des personnages queers dès lors que celleux-ci commencent à s’épanouir dans leur histoire d’amour.

    En apparaissant sur nos antennes, Killing Eve s’est immédiatement imposée comme une série novatrice grâce à son ton, son humour noir, sa façon de renouveler le genre de la série d’espionnage. Surtout la fascination mutuelle entre Eve et Villanelle, dans un jeu du chat et de la souris mortel, a toujours été empreinte par un sous-texte homoérotique.

    Avec son caractère frondeur et disruptif, les fans de la série étaient en droit d’espérer autre chose que cette fin bâclée qui perpétue une représentation de personnages queers voués à une forme de damnation, interdits de toute forme de "happy ending". C’est aussi dommage que rageant. On aurait pu espérer une conclusion plus créative qui échappe avec un peu plus de panache à cette fatalité ou au candide "elles vécurent heureuses…"

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