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    Quichotte : Terry Gilliam désabusé

    Quatre mois après l'arrêt du tournage de "L'Homme qui tua Don Quichotte", Terry Gilliam, scénariste et réalisateur, revient sur ce projet.

    Et l'on reparle de L'Homme qui tua Don Quichotte... Dans une interview donnée ce week-end au quotidien anglais The Observer, Terry Gilliam est largement revenu sur les mésaventures qu'il a connues sur ce film, de la conception au tournage avorté.

    Un montage financier difficile

    L'idée de tourner une version moderne de Don Quichotte remonte à une décennie, et Terry Gilliam la résume ainsi : "J'ai appelé mon vieux pote Jake Eberts (le producteur de Munchausen) et je lui ai dit : j'ai deux noms pour toi, Quichotte et Gilliam. Et j'ai besoin de 20 millions de dollars. Il a dit OK !". D'emblée, Terry Gilliam voulait un financement européen pour ce film. Il a donc commencé à négocier avec deux producteurs anglais, Chuck Roven et Sarah Radcliffe, ainsi qu'avec Pathé Films et Canal Plus. Le budget, en cours de montage, était de l'ordre de 35 millions de dollars. Un producteur allemand est entré dans la danse, promettant d'autres fonds. Un mois avant le tournage, le financement, censé provenir d'un fonds de pension, n'a pas été attribué à la production. Le producteur allemand ayant besoin de plus de temps pour trouver de l'argent, Johnny Depp a accepté de jouer dans The Man who cried, de Sally Potter. Le projet a donc été repoussé.

    Finalement, les fonds n'ont jamais été trouvés. Terry Gilliam est donc parti à la recherche d'autres financements, toujours en Europe. Un autre producteur anglais s'est joint à la folle équipée, ainsi qu'Hachette Première, la société de production française de René Cleitman. Seul problème : ce dernier ne voulait pas parler à Sarah Radcliffe, l'une des productrices anglaises attachée au projet... Terry Gilliam a alors appris à ses dépens la "production à la française". Et raconte : "Subitement, au milieu d'une lecture du scénario, Alexis Lloyd (directeur de Pathé UK) commença à parler d'argent, demandant de réduire le budget à 25 millions de dollars. Canal Plus et Pathé étaient si gênés qu'ils nous ont immédiatement proposé de l'argent."

    Tant bien que mal, en janvier 2000, René Cleitman proposa un budget révisé à la baisse, pour un montant de 31 millions de dollars. Johnny Depp, qui avait fini le tournage de The Man who cried, enchaîna sur celui de Blow. En effet, le financement de L'Homme qui tua Don Quichotte n'était toujours pas complet, faute de parvenir à réunir les subventions européennes, car les règles d'attribution étant différentes d'un pays à l'autre : les avocats de chaque coproducteur s'arrachaient les cheveux pour les obtenir ! A cette étape du projet, Terry Gilliam s'aperçut qu'il existait un fossé entre l'industrie hollywoodienne du film, et celle du vieux continent.

    Le financement clôt, un autre problème survint : Johnny Depp. Gilliam explique "Nous voulions absolument garder Johnny sur le projet, et il y était attaché. Mais il faisait une offre de 2 millions de dollars pour 3 semaines de travail, là où nous en espérions 17 pour le même prix." Peu de temps avant le tournage, Terry Gilliam reçut un appel de l'acteur : "Johnny était vraiment obsédé par le film, mais quand le montant définitif fut mentionné, il fut très énervé. Il me demandait deux fois plus. Tout le financement était en place, et cela survint." Finalement, Terry Gilliam, qui travaillait pour la moitié de son salaire habituel, en accepta le quart, et Johnny Depp accepta de toucher la moitié de ce qu'il demandait.

    Cinq jours de tournage, cinq jours de galère

    Après tant d'efforts pour monter le financement du film, Terry Gilliam espérait un tournage sous les meilleurs auspices. Las ! Les galères se sont accumulées. Dès le premier jour, Jean Rochefort s'est senti mal. Malgré une infection à la prostate, il tenait cependant à jouer. Le tournage a donc débuté. Le deuxième jour, Johnny Depp devait tourner ses premières scènes. Mais le plateau a été inondé et rendu inutilisable par une tempête. Le quatrième jour, alors que les équipes s'étaient acharnées à tout remettre en état, Terry Gilliam s'est rendu compte que le paysage entier avait changé de couleur : tout ce qui avait déjà été tourné n'était plus "raccord", donc inutilisable. Et le cinquième jour... Le premier assistant a refusé de laisser tourner encore Jean Rochefort, trop souffrant. S'ensuivit une violente dispute, l'acteur insistant pour tenir son rôle. Le tournage continua, mais il fallut trois personnes pour faire descendre le comédien de son cheval. Le lendemain, Jean Rochefort était évacué sur Paris, et opéré d'une double hernie discale. Fin du tournage, qui fut déclaré "interrompu pour une durée indéterminée".

    Pour la production, ce n'était pas la fin du projet. Pour Terry Gilliam, ce n'était pas la fin du cauchemar. Sa principale préoccupation était de savoir si le tournage pourrait reprendre ou non après la guérison de Jean Rochefort. Or aucun de ses deux partenaires ne pouvait garantir sa présence, étant pris par d'autres engagements : Vanessa Paradis avait planifié une tournée pour promouvoir son album, et Johnny Depp avait d'autres engagements. Dans un premier temps, les assurances refusèrent de payer, et réclamèrent de reprendre le tournage avec un autre casting. "Il était impossible pour moi de trouver à temps un remplaçant de Jean, les autres acteurs avaient d'autres engagements, et les lieux de tournage avaient été loués des semaines à l'avance pour des dates très précises", indique le réalisateur. Les assurances décidèrent alors de mettre un terme au projet. Seul point positif, elles ont remboursé 16 millions de dollars aux financiers, ce en quoi personne ne croyait.

    Le réalisateur, découragé, a toutefois annoncé qu'il réaliserait le film un jour, mais plus dans le même esprit : "Je vais faire ce film maudit, mais peut-être pas. Je ne peux pas le faire maintenant. Je ne peux même pas y penser. Je devrais être en train de le tourner en ce moment, quelque part, avec l'aide de gens créatifs, cherchant de nouvelles idées, être dans mon élément. Mais là, je suis chez moi, toujours devant mon ordinateur. Ce n'est plus la même chose du tout." C'était pourtant un beau projet : espérons qu'il verra vite le jour...

    F.M.L

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