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    Vies volées à Venise

    Destinées brisées et personnages désespérés... Vendredi, la programmation de la Mostra fait état de l'éclipse totale de la conscience humaine.

    Destinées brisées, personnages désespérés, consciences torturées, états psychiques fragilisés... Outre L'Anglaise et le duc d'Eric Rohmer, les projections au programme de ce vendredi noir font état d'une société en pleine perdition. Une éclipse totale de la conscience humaine, dont L'Après-midi d'un tortionnaire de Lucian Pintilie, constitue l'un des exemples les plus probants. Vrai-faux témoignage d'un ex-tortionnaire ayant sévi dans les prisons roumaines, ce film de fiction s'interroge sur les motivations de ces hommes, les raisons qui les ont poussé à devenir les instruments d'un régime totalitaire, et les conséquences de ces actes de torture sur leurs propres existences.

    Parallèlement à ces considérations historiques, le pessimisme ambiant des films sélectionnés en compétition officielle concerne avant tout les membres d'une même famille souvent écartelée. Comme c'est le cas dans Sestry de Sergei Bodrov Jr. Cette histoire simple tournée dans une province de Russie, met en scène l'existence de deux demi-soeurs que tout sépare. Vivant à des kilomètres l'une de l'autre, elles se détestent et s'ignorent cordialement jusqu'à ce que la plus jeune d'entre elles s'attire de sérieux ennuis. Incapable de s'en sortir seule, elle fait appel à l'unique famille qui lui reste : sa soeur aînée... Contraintes de fuir ensemble, elles oublient un temps leurs haines respectives. Antérieur à The Quickie, dernier film en date de Sergei Bodrov Jr, ce "road movie" initiatique réserve l'un des dénouements les plus optimistes de cette journée de projections puisqu'à force de fuir, ce tandem réglera ses conflits intestins et consolidera sa fratrie...

    Plongées en eaux troubles

    Ce qui n'est pas du tout le cas des protagonistes de Luna rossa. Dans cette tragédie grecque revisitée par Antonio Capuano, un conflit de générations fait imploser l'un des clans de mafieux les plus violents et les plus puissants de Naples. L'univers de luxe, sang et volupté qui sert de cadre de vie à cette famille de fous furieux sans scrupule ni pitié, s'effrite grâce à l'acte de rébellion d'un jeune Oreste des temps modernes.

    Autre huis clos qui figure les délires d'un être vivant en totale autarcie, How Harry became a tree s'attache au quotidien d'un dépressif qui sombre peu à peu dans la folie. Après la Yougoslavie, Goran Paskaljevic plante sa caméra en Irlande, en pleine guerre civile. Accablé par les décès successifs de son fils mort au combat et de sa femme, Harry perd peu à peu le goût de vivre. L'amour ne lui ayant apporté que peine et désespoir, il décide de remédier à son état léthargique en se trouvant quelqu'un à détester. Cette haine qui lui insuffle la force de vivre, devient alors son ultime moyen de communication.

    Il en va de même pour Sachiko, la jeune héroïne du nouveau long métrage d'Akihiko Shiota, qui à la fin de Gaichu, exprime son mal de vivre par la violence. Ecolière mystérieuse, Sachiko, 12 ans, a perdu son insouciance d'enfant trop vite. Abandonnée par son père et délaissée par sa mère qui mène une vie nocturne débauchée, Sachiko perd progressivement le sens des réalités. Elle sèche les cours, quitte le domicile familial et trouve un semblant de réconfort auprès de marginaux qui errent, comme elle, dans les rues...

    Un comportement semblable à celui de l'inspecteur Frederick Abberline, le personnage qu'incarne Johnny Depp dans From hell. Dopé à l'opium, ce jeune veuf en proie à des visions prémonitoires, parcourt les quartiers mal famés de Londres, à la recherche d'un tueur en série. Une plongée lugubre dans le Londres du 19ème siècle, qui sert de décor aux frères Albert et Allen Hugues pour présenter une version moderne du mythe de Jack l'éventreur.

    A.Z

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