"Rabbits" est un court-métrage réalisé par David Lynch juste après "Mulholland Drive", une sorte de mini sitcom glauque mettant en scène trois lapins anthropomorphes dans un petit appartement lugubre. Sous les costumes se cachent d'ailleurs Naomi Watts et Laura Elena Harring, les héroïnes de son précédent film ainsi que Scott Coffey acteur récurrent chez le réalisateur californien.
Après ce premier visionnage il semblerait totalement fou de tenter de l'analyser, car ce qu'il véhicule en premier lieu c'est une ambiance, tout à fait singulière et propre à l'univers lynchein, je me rappelle d'ailleurs qu'il en a découpé une partie pour la coller au début de son long métrage le plus sombre "Inland Empire" en 2007, pour instaurer le bizarre et la rupture avec le présumé "réalisme" de la narration.
Ce court métrage est composé de plusieurs plans séquences misent bout à bout où ces lapins vont communiquer de manière absurde, des dialogues de sourds aux monologue théâtraux, cependant il en découle un sentiment anxiogène et d'étouffement, d'une menace invisible et quasiment indéfinissable. On pourrait l'interpréter de bien des manières, le lapin mâle l'apparente à un homme en costume vert, des chiens rampants, de la pluie ruisselante, des barbelés, je fais peut être complètement fausse route mais j'ai vu cet appartement comme une analogie directe au terrier d'une famille de lapin qui vie dans la peur de la mort face à un chasseur tournant constamment jour après jour, heure après heure, autour de leur cachette, et Lynch y a transposé l'animalité primaire à la condition humaine, on peut donc peut être y voir un rapprochement avec la psychose, l'agoraphobie et la paranoïa.
Ce n'est qu'un point de vue en surface, car en substance ce film garde une part de mystère totale, Lynch est passé depuis un moment maître dans l'art de nous masturber le crâne, beaucoup d'éléments restent tout à fait mystérieux, comme cette gestion de l'éclairage et du son absolument fascinante et hypnotique (Badalamendi dans toute sa splendeur) ou ces parenthèses quasi sataniques. De même que cette intemporalité déstructurée au fil du "récit" qui nous fait volontairement perdre pied, et les rires enregistrés qui nous narguent, on ne peut se rattacher à rien, comme perdu dans un rêve qu'on ne contrôle pas.
"Rabbits" est une expérience tout à fait particulière, je pense qu'il faut tout de même être dépucelé de l'univers Lynch pour y entrer un minimum et se laisser porter et charmer par cette ambiance dark, onirique et terrifiante.