Ce nouveau film d’animation d’Okiura (son premier scénario et son deuxième long-métrage en tant que réalisateur, après notamment le remarqué Jin-Roh, la brigade des loups en 1999), vu dimanche 2 juin après-midi en avant-première dans le cadre des (abjects) rendez-vous de la BD d’Amiens (fête de l’anticatholicisme et de la pornographie soft) est, comme je m’y attendais, un îlot de fraîcheur perdu au milieu d’un monde brutal, dérisoire et vulgaire, obsédé par le fric, la frime et les idéologies maçonno-bobo à la mode.
Il y est question du difficile deuil d’une fillette de onze ans, Momo, orpheline de père et
hantée par de mauvais esprits
- du moins en apparence. Car peu à peu,
elle apprivoise ces étranges « fantômes » qui la terrorisent, jusqu'à en devenir maîtresse et s’amuser comme une folle avec eux, elle qui ne souriait plus jamais
.
La lettre inachevée, qui noue l’intrigue du film, est pour Momo une ouverture au monde de l’imaginaire et le vecteur d’une communication rêvée avec l’au-delà. Le thème central de
l’impossible réconciliation avec le cher défunt
n’est certes guère original, mais son traitement par Okiura l’est sans conteste. Il est servi par une palette de personnages secondaires assez bien caractérisés, de superbes images dessinées de l’île de Shio, une réalisation excellente et une musique de grande qualité au romantisme typiquement nippon (seul le générique final me paraissant un peu en dessous du niveau général). Tout ce que l’on pourrait reprocher à ce film pour enfants - mais appréciable par tous - est sa simplicité sentimentale et la quantité de larmes qu’il fait rouler. Mais ce n’est qu’un doux reproche largement contrebalancé par les sentiments positifs et le délicat sens de la famille et de la tradition (que les japonais, eux, ont su assez bien préserver jusqu’à présent, comme l’avait noté Claude Levi-Strauss déjà en sont temps) qui émanent de ce film. Une très belle histoire : si on est un ton au dessous de l’exubérance d’un Miyazaki, on est bien proche tout de même du chef d’œuvre.