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    ASAKO I&II
    ASAKO I&II
    4,0
    Publiée le 1 mai 2022
    Après avoir séduit un public exigeant avec son prodigieux “Senses”, réparti en trois actes, le japonais Ryusuke Hamaguchi renoue avec la même démarche, introduisant une romance atypique, là où l’enveloppe corporelle l’emporte sur la raison. Issu du roman de l'écrivaine Tomoka Shibasaki, il exploite de nouveau ce portrait de la femme, celle d’une femme moderne, qui revendique sa liberté dans son choix de vie, malgré l’approche déconcertante du récit, qui croise le merveilleux et le malchanceux. Il n’est d’ailleurs pas question de recoller avec les romances dont le grand public aura l'habitude de voir et le réalisateur joue sur cette attente, afin que le parcours de l’héroïne en question ait un sens. Il rompt rapidement avec les codes pour laisser le libre-arbitre faire son affaire dans le monde toxique et indomptable qu’est la vie.

    Le coup de foudre, c’est un choc émotionnel pour beaucoup, mais certain vivent mal le côté électrisant de la chose, notamment lorsque que ce moment cristallise tout le symbole de la tendresse et de l’amour fou. Asako est une victime de cette tragédie, mais propose tout de même une évolution cohérente avec son côté introvertie, porté à s’exprimer via le regard et les actes de bonté. Erika Karata donne ainsi un crédit dans l’amour passif d’Asako et de ses échanges troublants avec ses bien-aimés. Bien qu’elle possède le choix, nous ne sommes jamais convaincus de ses actes ou du caractère de son empathie pour ses proches. Elle est seule, dans une bulle virtuelle, où ses affinités avec autrui se font rares et se font malmener par un lourd passé. Touchante jusqu’à son dernier élan de tendresse et de sincérité, elle aura toutefois un dilemme à trancher, par l’absurde où le premier amour ose s’exprimer comme on en voit peu.

    L’idylle est pour le plus beau et le plus tendre. Or, Baku et Ryohei remplissent des conditions similaires, jusqu’à partager le même physique. Mais la nuance les différencie rapidement dans le ton, bien que le premier soit quasiment inexpressif. Le second remportera le développement le plus abouti, car le public pourra s’identifier à lui et à sa démarche gracieuse et généreuse. Masahiro Higashide enfile aisément les deux casquettes et nous transporte dans un Osaka rural, faisant écho aux sentiments primitifs d’Asako, puis dans un Tokyo dynamique, où la diversité fait le bonheur de ses occupants. On le lie souvent au dynamisme et le travail sur le mouvement relatif est une merveille. Le point de vue change constamment, tel le tourment de cette femme indécise et qui n’hésitera pas à emprunter toutes les portes qui s’offrent à elle. On détourne les codes pour en exploiter les points forts, puis les points faibles et inversement. Le mélodrame transcende ainsi dans une narration riche en couleur et en passion.

    Ne trouverait-on pas un symbole dans le traitement de la vie conjugale plate et silencieuse, ou une justification des ellipses qui intériorise le mal-être d’Asako ? L'ambiguïté réside dans ce destin qu’elle ne tient pas en main finalement. Elle reste soumise à une quelque chose qui la conditionne à sombrer dans la facilité. Elle ne fait pas le premier pas, le cadrage en témoigne, tout comme l’atmosphère contrastée de tout part, comme si elle se faisait constamment juger pour ses actes avant tout égoïste. Mais ne trouverait-on pas également la signification de ce qu’est l’amour, à travers les périples d’une femme qui manque d’assurance dans les relations et qui se place toujours en retrait pour mieux observer si ce qu’elle convoite lui plait ? Le film rappelle également “Sueurs Froides” d’Hitchcock dans le développement des rapports homme-femme et dans un suspense prenant. Et “Asako I&II” se démarque par sa majestuosité dans la culture japonaise, où la femme est scindée puis sondée par le destin. Nous pourrions croire l’intrigue inaboutie, pourtant elle tient ses promesses dans une mise en scène paralysante. En faisant des allers-retours entre la routine et la spontanéité, il n’y a rien de plus convaincant qu’un message de pardon aux amours perdus et à qui on leur devra toutes les meilleures choses que l’on rencontrera, par la force du destin ou par le simple hasard d’un sentiment égaré.
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