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    Olga
    Olga
    3,5
    Publiée le 29 mars 2022
    Avec Elie Grappe, ce sont les muscles du corps humain qu’il filme, à la limite de la rupture, entre différents types de douleurs et un apprentissage extrême à la frontière de la machine. Une « Répétition » en chœur et un jeune danseur « Suspendu » à sa douleur au pied l’ont mené à explorer en profondeur ce qui anime la détermination, la rigueur et la justesse de ces compétiteurs. Tout pour soi ou tout pour le collectif, ce sera une des nombreuses interrogations qui obséderont l’héroïne du film, en proie à ses racines et aux exigences de sa passion. Avec la co-scénariste Raphaëlle Desplechin, sœur d’Arnaud, le duo revient sur la révolution d’Euromaïdan en Ukraine, là où s’est jouée l’indépendance d’une nation, qui montre que l’unité passe d’abord par un acte courageux des individus, convaincus par le libre-arbitre.

    Olga est une talentueuse gymnaste, notamment aux barres asymétriques. Et comme pour cette discipline, elle va jongler entre deux niveaux, elle va chuter, mais également affiner ce qu’elle ne maîtrise pas encore. Pourtant, au-delà de la technicité, ce sont les marques sur son corps, ainsi que son caractère qui trahissent son self-control. L’exil forcé qu’elle mène en Suisse, dû aux activités journalistiques et militantes de sa mère, la préserve de la montée en puissance d’un peuple libre et des violences qu’elle engendre. Quelles différences pour l’adolescente, qui a du mal à regarder en avant et à rompre avec ses racines. Alors que la chance de participer à une compétition européenne lui sourit, elle reste de marbre, impuissante depuis ses appels téléphoniques. Elle montre constamment des signes de décalage, avec le reste de l’équipe nationale suisse, la langue locale et son sens de la ponctualité. Olga n’a pas vraiment digéré le décalage horaire et garde toujours un pied dans son pays, qui appelle à la libération.

    La gymnaste Nastya Budiashkina, ainsi que ses camarades, parviennent à trouver un équilibre dans leur jeu. Endurcie dans un effort répété et soutenu, la courbe de leur corps devient un élément de langage et de tension dans les enjeux, à la fois compétitifs et humains. Grappe capte ainsi leur mouvement comme leur espérance de vie, mais pour Olga, il faudra ajouter le paramètre familial, qui vient considérablement bousculer son esprit. Son acharnement, ses peurs et sa colère font tout de même d’elle une guerrière qui ne relâche rien, avant d’avoir pu exécuter une figure audacieuse et qui l’obsède. Il ne reste donc plus que l’inertie permanente qui la maintienne en suspension et donc dans une existence dont l’avenir reste à déterminer. En superposant les vidéos amateures des manifestants, face à une répression de plus en plus arbitraire, on se rend compte que ce qui ne nous est pas montré aura bien plus d’impact émotionnel. Le support d’archive permet toutefois de maintenir l’authenticité des faits, mais il reste encore à nourrir le dilemme d’une « Olga », tiraillée entre le désir de réussite et un retour solidaire vers ses proches.

    En restant détachée de tout, l’adolescente doit finalement choisir un camp. Cela se manifeste par une pulsion, un souffle, puis dans le même élan qui la transporte là où elle sait ce qu’elle doit faire pour retomber sur ses pattes. Accrochée à ses barres, l’instant de réflexion est court et silencieux, mais l’adrénaline est suffisante pour qu’elle la disperse dans ses problèmes familiaux, au-delà de la reconnaissance qu’elle semblait convoiter. Pas de fatigue pour les champions ? Le revers de la médaille est évident. Malgré les bascules, les belles amplitudes et la fluidité des mouvements balanciers, tout conduit Olga vers un chaos mental qui influe sur ses performances et son endurance. Sa souffrance mute ainsi, en parallèle d’un pays, rendu malade par son gouvernement, mais qui trouvera de la grâce et des réponses dans la paternité qu’elle recherche.
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