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    L'Exorciste - Dévotion
    L'Exorciste - Dévotion
    1,5
    Publiée le 12 octobre 2023
    Quand on ne sait plus rien/bien créer, on préfère recycler. La devise des majors hollywoodiens est connue depuis assez longtemps qu’on ne s’en étonne plus. Une Étoile est née (A Star Is Born) reste le maître de cet exercice, qui lui réussit toutefois bien mieux que la dernière malédiction dont le studio Blumhouse semble avoir hérité. Après avoir remis en selle Michael Myers dans la dernière trilogie Halloween, David Gordon Green continue de dévaler une pente qui se raidit à vue d’œil. Si L’Exorciste du Vatican possédait déjà tous les symptômes des films d’exorcisme en perdition, il avait néanmoins le mérite d’amuser la galerie. Ici, il n’en n’est rien et L’Exorciste : Dévotion (Believer) n’a plus qu’à ramper dans sa propre bêtise, en espérant rendre hommage au film culte qui lui a donné naissance, seul argument commercial d’une nouvelle saga qui fonce droit dans le mur dès son premier opus.

    50 ans après avoir terrorisé toute une génération, que reste-t-il de l’adaptation de William Friedkin ? Tout comme le cinéaste de l’Illinois, malheureusement disparu cet été 2023, David Gordon Green a bien relu le roman éponyme de William Peter Blatty pour se bâtir une base solide. Il s’agit de son point de départ, car sa trilogie garde la même structure que pour sa saga Halloween. Suite directe du film de 1973, il compte sur la vétérane Ellen Burstyn pour faire le pont entre deux générations. De même, le cinéaste préserve la mise en garde de l’ouverture, qui ne se déroule plus dans le désert irakien, mais sur les plages d’Haïti. Changement de culture donc, car on bascule chez une famille réduite à un père veuf et sa fille.

    On ne précipite pas les choses et le traumatisme d’un deuil non résolu provoque alors cette possession que l’on attend. Cela rappelle dans un premier temps le jeu insolite et cruel mis en place par les adolescents de La Main. Malheureusement, c’est à partir de ce moment que tout bascule dans une toute autre dimension. Afin de préparer la contrainte de l’exorcisme final, il a fallu posséder non pas une, mais deux jeunes filles. Angela (Lidya Jewett) et Katherine (Olivia O’Neill) partagent donc le même lot de souffrances, malgré la trajectoire davantage développée de la première. C’est en tout cas plus consistant que la caractérisation des personnages secondaires, que l’on esquisse à peine, histoire de passer le temps.

    Parlons-en du temps, celui qui défile proportionnellement à notre ennui, tandis que Friedkin l’exploitait dans le but de nous terroriser. Les vaines tentatives sont nombreuses, mais aucune ne fait véritablement mouche. David Gordon Green peine à créer une atmosphère anxiogène sans employer de jump scare, notamment par le biais de cuts ou l’insertion d’images subliminales. On se surprend également à voir la pièce maîtresse d’Insidious, convoquée dans un timing abominable qu’on ressort évidemment frustré de cette expérience qui ne fait ni chaud ni froid. Tout se joue sur la forme, approximative et un peu aléatoire par endroit. Nous savions déjà que le cinéaste n’est pas vraiment un conteur d’histoire, mais un artisan d’effets habituellement spectaculaires. Son style semble avoir atteint ses limites dans un projet qui dépasse tout le monde, à l’évidence.
    Questionner les limites de la foi, autant chez les croyants que les athées, voilà les promesses initiales d’une œuvre qui génère l’effroi dans ce qui est incompréhensible ou difficile à accepter. La mort et le désir d’épargner une vie sont les principes d’un film qui rejette instantanément le diagnostic scientifique et médical. Le doute n’est plus permis et il reste donc assez peu de choses à ronger pour le spectateur. La transformation des enfants est également catapultée avant même que l’on puisse cogiter autour des tabous sexuels dont on fait allusion. La parentalité et la communauté semblent être les seuls messages forts d’un film qui grille trop rapidement ses cartouches.

    De nombreuses suites ont tenté une approche viscérale différente, sans atteindre le même degré que le film de Friedkin. Celui-ci échoue également dans son manque de foi envers une œuvre qu’on exhume sans limite et sans regret. Il y a de quoi nous faire regretter le charisme de Max Von Sydow en Père Merrin et de l’incarnation du démon Pazuzu, car les esprits ne font que parler dans le vide cette fois-ci. L’Exorciste : Dévotion se contente alors de rejouer les mêmes cartes que le film de Friedkin, en essayant de réemployer ses gimmicks visuels. Ce sont malheureusement les seuls spectres pertinents que nous verrons à l’écran, car tout ce qui englobe l’intrigue est superflu, que ce soit la dramaturgie, les effets gores ou les frissons. Tous les arguments manquent à l’appel dans cette œuvre particulièrement inoffensive.

    Aucune prière ne semble atteindre les hautes sphères de producteurs, prêts à en découdre dans une trilogie. Ce film serait donc le premier jalon d'une marche sans fin, lente et douloureuse. On en lève les yeux si haut vers le ciel qu’on serait capable de se retourner comme Reagan dans le film original. Mais au lieu de descendre les escaliers, on va simplement chercher à fuir ce théâtre hanté par la vanité et chercher un peu de réconfort dans ce que nous a légué William Friedkin. De toute évidence, il n’y a rien qui lui appartient dans cette œuvre malhonnête et qui ne justifie pas notre déplacement pour une poignée de jump scare, tout juste bons à bousculer quelques écoliers qui n’ont pas encore subi leur baptême du cinéma d’épouvante.
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