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    Phantom of the paradise
    Phantom of the paradise
    5,0
    Publiée le 15 janvier 2021
    Savoir distinguer la réalité du divertissement est une nécessité qui alimente toute la démarche d’un Brian De Palma blessé, mais loin d’être abattu pour autant. Tout promptement sorti d’un « Sœurs de sang », injustement réprimandé pour ses hommages les plus sincères à Hitchcock, en passant par la trahison qu’il a subie de la part de ses producteurs sur son « Get to Know Your Rabbit », le réalisateur trouvera l’écho et l’élan solennel dans un nouveau long-métrage, plein de cynisme, de douleur et de parodie. Lui, qui a souffert du système de contrôle des majors Hollywoodiens, il vient insuffler à son récit, évidemment emprunté au « Fantôme de l’Opéra » de Gaston Leroux, mais également au conte mythique de « Faust », les deux ayant déjà été porté à l’écran. Et il serait facile de s’arrêter là, mais la plupart des références sont à découvrir par le biais des chants et des citations les plus symboliques, développant ainsi cette fièvre qui s’empare de l’âme des artistes et de cette terreur qui génère une consommation de masse et abrutissante.

    On ne tarde donc pas à saisir toute la tonalité dramatique, mais avant tout parodique de la chose. Des Juicy Fruits, qui ne demandent qu’à être pressés de toute leur substance ludique, au Glam Rock des années 70, qui met en évidence de manière grossière les artifices du spectacle, les confrontations seront nombreuses. Et c’est à travers Winslow Leach (William Finley), que Palma s’identifie au risque de se heurter à sensibilité d’un public irrité, toujours zombifié et qui a sacrifié son intellect pour une dépendance absurde. En quoi ce film serait-il un objet artistique, s’il ne parvenait pas à éveiller quelques consciences, tout en lui offrant ce qu’il réclame quotidiennement dans leur vie, une dose d’ironie ? Winslow se retrouve alors rapidement démuni de ses œuvres et de sa passion, la musique, qu’il couve dans chacune de ses notes et qu’il renvoie dans chacun de ses chants. C’est tout autant son ambition que l’on ampute, à une personne, tout ce qu’il y a de plus humain, qui essaye, souffre et saigne pour enfin exister. Il convient alors de lui accorder une opposition, qui parvient à la fois à relayer cette incarnation du mal et de cette allégorie de la possession. Et en le personnifiant, tout finit par être clairvoyant.

    Paul Williams, qui nous envoute d’abord grâce à sa sublime composition, puis par sa prestation dans la peau de Swan. Ce dernier est pourtant loin de l’idée que l’on se ferait d’un mégalomane instable et il se situe pourtant dans un voyeurisme perçant, digne d’un Big Brother. Nul soupçon sur ses intentions malsaines, hélas. Toute la discussion et les sacrifices, sur l’intégrité artistique que l’on cherche à préserver, rencontrent inévitablement cette pathologie liée à la figure emblématique de Dorian Grey, convoitant l’éternité et soumettant ainsi son univers aux péchés les plus primaires. Si Phoenix (Jessica Harper) semble souligner le prolongement d’un maléfice bien distinct, c’est notamment grâce au détour par le cinéma d’horreur, qui cherche à nouer le plus de nœuds possibles, en mixant ardemment toutes les références dans un même lieu, à savoir le théâtre du désespoir. On ne vit pas la même chose sur scène, en coulisse et au cœur du public. Cependant, on les entremêle avec juste ce qu’il faut d’élégance afin de nous investir dans l’embarras du spectacle, que l’on reconnait factice et impitoyable pour ses acteurs majeurs.

    Toutes traces d’humanité s’effacent dans l’esprit du fantôme qui hante les lieux d’une tragédie, source d’un succès qui en demande plus. Les valeurs du Death Records transcendent l’écran et l’actualité ne cesse de revenir à cette dévitalisation à laquelle on nous invite et à laquelle on nous incite à pactiser avec des forces supérieures, hors de notre portée et hors du temps. « Phantom Of The Paradise » façonne ainsi ses protagonistes dans un environnement contre-culturelle, diluée dans le cinéma Hollywoodien et dans bien d’autres entreprises, qui usent encore aujourd’hui des mêmes rouages. Le public en est abreuvé, mais n’en restera jamais rassasié, car une nouvelle estampille divine l’approchera un peu plus d’un paradis. Il possède malgré tout ses limites, qui reposent dans la crédulité de ceux qui encouragent ce mouvement sans fin. Pourvu que les masques tombent assez rapidement, afin d’éviter la propagation de l’angoisse éternelle des pulsions, même les plus nobles.
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