La troisième saison de la série American Horror Story est en cours de diffusion sur FX aux États-Unis. L’occasion de faire un point sur cette série réellement atypique. La particularité d’American Horror Story étant un système de saisons déconnecté les une des autres. Chaque saison conte une histoire indépendante. Tandis que la première saison a pour lieu unique, une vieille maison hantée, la seconde se tourne vers un asile psychiatrique. Si l’intrigue se déroule toujours principalement sur un lieu, à contrario les repères temporels du spectateur sont mis à rude épreuve. La série ne dévoile toutes les interconnections entre les différentes époques qu’avec parcimonie. La maison victorienne de la première saison montre peu à peu les horreurs qu’elle a abrité au fur et à mesure de ses différentes occupations du XIXème siècle à nos jours. Quant à elle, la deuxième saison traite de l’Amérique de la Seconde Guerre Mondiale, de l’après-guerre immédiat et des seventies.
Mais qu’a-t-elle de si américaine cette histoire d’horreur ? Elle convoque constamment les grands moments de l’Histoire américaine. Et pas forcément la plus officielle ou la moins controversée… On y trouve pêle-mêle des références aux premiers colons, l’exil des savants nazis après-guerre, la lutte pour les droits civiques, les luttes féministes, l’affirmation d’une identité homosexuelle, la culture hippie, l’univers concentrationnaire de la psychiatrie moderne… Bref, puisqu’il s’agit d’horreur, la série tape là ou l’histoire américaine verse elle-même dans ce registre. Dans la veine du cinéma de genre traditionnel, Ryan Murphy et Brad Falchuk, créateurs géniaux à qui l’on devait déjà déjà Nip/Tuck ou Glee, dépeigne une Amérique à la fois déformée et criante de vérité par le prisme de ses marginaux.
Dans le même temps, les scénaristes réutilise les poncifs du genre sans s’embourber dans le déjà-vu. Dans cette optique, la série a une longue vie devant elle si le succès reste au rendez-vous. Chaque saison est un hommage vibrant au sous genre du cinéma fantastique qu’est l’horreur : l’épouvante pour Murder House, la Nunsexploitation et la Nazixploitation pour Asylum et la figure mythique de la sorcière américaine pour Coven, la dernière saison. Troisième saison convoquant, à la Nouvelle-Orléans, une guerre des sorcières contre les vaudous, métaphore du mépris raciste persistant au Sud. On y trouvera des zombis sécessionnistes, des sorcières blanches descendantes de Salem, des sorcière vaudous noires descendante des esclaves des plantations de coton. Les flash-back fréquents dans les années 1830 dénoncent toute la violence de la traite des noirs. La guerre qui fait rage aux temps présents sonne comme un combat qui n’est pas encore fini. Surtout, les deux communautés qui devraient se souder parce que considérablement affaibli par la désenchantement d’un monde ou elles n’ont plus leur place se déchirent. Pied de nez, la sorcière raciste incarnée avec brio par Jessica Lange a voté Obama, deux fois. Un écho contemporain de problèmes lointains pas encore tout à fait réglé.
Bien que les saisons soit pensées séparément, la même troupe d’acteur assure les rôles. Un casting bien ficelé, composé d’acteur peu connu ; hormis Jessica Lange qui eu son heure de gloire dans les années 80, notamment avec un Oscar pour Tootsie (Sydney Pollack, 1982) ; mais talentueux. Chaque nouvelle interprétation fait passer sous silence leur rôle dans la saison précédente. Aucun personnage n’est laissé à l’abandon, le scénario développe chaque personnalité. Les carrières de Zachary « Spock » Quinto, Sarah Paulson, Lily Rabe ou encore Evan Peters devraient s’envoler, ou il n’y a guère de justice à Hollywood. La musique de James S. Levine, longtemps resté dans l’ombre de Hans Zimmer, peut enfin révélé ici toute sa subtilité. Elle sait se faire entêtante, toujours présente et anxiogène sans jamais tombé dans la scorie habituelle du bruitage tonitruant. American Horror Story n’est pas vraiment une série versant dans l’horreur, le gore est accessoire, c’est réellement une série d’épouvante. Et le score de Levine rend à merveille cet état d’esprit.
Depuis sa création, la série a obtenu plusieurs récompenses dont un Golden Globe et un Emmy Award pour la deuxième saison. Un aura bien mérité pour une série d’or et déjà culte.
Venez lire nos autres critiques sur Une Graine dans Un Pot :