En Bref (Saisons 1-3)
Une fable drôle, douce et sensible où caricatures et simplifications côtoient profondeur et complexité. La saison 1 sert de présentation de plein de personnages aux orientations et questionnements sexuels divers, très divers, qui vont ensuite être lancés dans des intrigues amoureuses et familiales mouvementées, très mouvementées, écrasant tout autre enjeux qui sert simplement à faire bouger l'arrière-plan et les personnages. Pourquoi ça marche ? De très bons acteurs, une vie et une joie sincère dans la mise en scène et surtout ce qui fait l'essence de cette série : son ouverture d'esprit contagieuse.
Plus en Détail
"Sex Education" est-elle une série réaliste ? Question difficile, et à première vue on est tenté de dire non. Quelque chose sonne faux dans ce lycée qui n'emploie qu'une dizaine de professeurs dont seulement 2 semblent importants, ce monde en raccord avec les dernières technologies mais où les voitures sortent tout droit des années 90, ces adolescents de 17 ans qui en font 25 physiquement (acteurs oblige) mais aussi mentalement. Néanmoins ce cadre n'est-il pas destabilisant exprès ? La série offre un bulle propice à une histoire pas comme les autres, une sorte de conte, et on se laisse embarquer dès les premières minutes.
La raison est que, à l'opposé du cadre, les problèmes et questionnement que les personnages vont vivre sonnent tout de suite vrai et ne sont absolument pas évidents. Cette alliance entre écriture et jeu d'acteur très justes, subtils et sensibles fonctionne parfaitement. A l'image de Jean Milburn, la série milite pour que les adolescents aient cette ouverture d'esprit et cette aisance à parler de leur sexualité. C'est pour cela qu'elle montre un monde un peu parallèle où un lycée aurait franchi le pas malgré l'avis public et les investisseurs.
Comme le souligne Otis à la fin de la saison 3, les problèmes ont toujours existé, que l'on en parle ou non.
D'ailleurs l'intrigue bloque à chaque fois qu'un personnage s'entête dans un mutisme frustrant.
Parlons de l'intrigue justement. Si la romance et les problèmes familiaux sont à un premier plan si écrasant, c'est surtout pour comprendre l'intimité et la complexité de chacun. On peut penser à un moment que certains personnages sont bloqués dans une caricature d'eux-mêmes. Mais les exemples
de Adam dans la saison 2, de Ruby dans la saison 3 ou de Hope et Michael à la fin de cette même saison
montrent qu'on peut toujours avoir un développement fort si on s'intéresse à leur intimité de plus près. Comme une grande séance de psychanalyse, chaque personnage passe sous les yeux du spectateur compatissant et la série s'ouvre au fur et à mesure à la richesse des orientations et identités sexuelles.
Cependant l'angle d'attaque de tout cela est très enjoué. Des rires parsèment le visionnage devant le comique de situation constant, frôlant parfois l'absurde. C'est coloré et rythmé à l'image d'un ado qui ne cherche qu'à s'amuser et à se comprendre, à l'image du sexe aussi, qui est censé être un jeu bienveillant quels que soient les protagonistes. Cette "éducation sexuelle" et sentimentale au sens large le martèle continûment mais gentiment, abordant aussi des sujets plus graves tels que l'humiliation publique ou pire, l'agression sexuelle. Alors oui, le parti pris est de privilégier fortement les histoires de couple et de manière générale, tout tourne autour du sexe (c'est dans le titre). Mais d'une manière tellement naturelle que j'ai pris beaucoup de plaisir devant ce spectacle novateur.