Twin Peaks c'est avant tout des personnages. Dale Cooper est tout simplement génial, charismatique, extrêmement drôle. Fan de café bien noir ("That's a damn fine coffee !", aime-t-il dire avec son grand sourire), de donuts et de tartes en tous genres, il a des habitudes assez étranges, des mimiques amusantes qui font qu'on s'attache immédiatement à lui, bien plus que tous les autres. Pour ceci, Kyle Maclachan est l'élément fort du casting, l'un des seuls à ne pas surjouer et à nous faire marrer constamment. Qui plus est, ce personnage et son passé nous intriguent, d'autant que ses techniques d'enquête sont assez spéciales : il se base sur ses rêves et sur la méditation tibétaine, ce qui fait qu'il a toujours des révélations un peu bizarres au cours de la série. Les personnages féminins sont vraiment réussis, des plus attachantes comme Donna, Shelly et Norma comme des plus insupportables (Catherine est irritante au possible). Twin Peaks est caractérisée par un humour qui fait mouche, l'humour Lynchien que je ne pourrais pas vraiment définir, un comique de situation qui s'approche parfois de l'absurde. C'est juste savoureux et je ne sais pas combien de fois je me suis esclaffé en entendant les répliques de Cooper, Andy ou Lucy. La relation que Cooper entretient avec Annie en fin de série est tout simplement une merveille d'humour et de sensibilité. Le personnage joué par David Lynch (Gordon Cole) est hilarant, en malentendant qui passe son temps à gueuler. De même, l'apparition de David Duchovny dans le rôle de Denise est juste ultra-comique et bienvenue. Tous les personnages de cette série ont leur importance, un grand rôle à jouer. Leo Johnson est assez central et on le haïra avant d'avoir pitié pour lui (il finira littéralement traité comme un vulgaire animal et je ne pensais pas que je plaindrais ce personnage un jour). Je ne vais pas citer tous les personnages mais j'ai également adoré le personnage de Bobby Briggs et notamment la relation qu'il entretient avec son père, le major Briggs. Il y a une scène que j'affectionne tout particulièrement, quand le père raconte une de ses visions à son fils et que l'émotion est au rendez-vous. Twin Peaks c'est aussi une putain d'ambiance et une BO à frissons. Le style années 70/80 propre au cinéaste, avec les coiffures et les vêtements démodés, est ici dément. Le surjeu des acteurs m'avait déstabilisé au début (c'est d'ailleurs pour ça que j'avais abandonné une première fois), mais finalement on s'y fait très bien. L'ambiance de la série est au rouge, presque tout le temps. Les grands rideaux rouges ont une place importance dans la série, puisqu'on les retrouve très souvent, symbolisant le secret qui se cache. David Lynch nous plonge dans un univers décalé, très émouvant, prenant, intriguant. L'intrigue prend son temps, le cinéaste accordant judicieusement plusieurs moments de grand calme à ses personnages. La musique, mon dieu, est du pur génie aussi. Angelo Badalamenti a fait un travail de dingue. Plusieurs d'entre elles passent pendant toute la série, parfois à des moments où on ne s'y attend pas. Le thème "Audrey's Prayer" (qu'on entend lorsque les Briggs père/fils discutent au Double R) est d'une somptuosité impressionnante et débarque toujours sans prévenir, ce qui m'a plongé à chaque fois dans une atmosphère d'émotion assez intense. C'est un procédé très intelligent, de mettre une musique sans raison particulière, et je trouve que beaucoup de réalisateurs l'oublient. Egalement, on a droit à la fin de l'épisode 2x07 à des chansons de Julee Cruise qui nous font vibrer, car la puissance de la scène est magnifique. Le scénario en lui-même est plutôt réussi, même si certaines intrigues sont un peu chiantes, comme l'histoire de la scierie ou du projet Ghostwood. Cependant, tout le reste est captivant, que ce soient les histoires d'amour comme l'intrigue policière. Les fins d'épisodes nous laissent souvent sur des cliffhangers assez bien pensés et qui donnent envie de voir la suite, ce qui fut par la suite la marque de fabrique de Lost. Même si les intrigues "banales" sont sympathiques à regarder, j'ai de loin préféré tout ce qui tourne autour de Bob et du supernaturel, bien sûr. Ces histoires de Loges Blanche et Noire, la chambre rouge avec le nain, le géant, je suis littéralement dingue de tout ça. Le début de la saison 2, lorsque Dale Cooper est blessé au sol et reste allongé ici un bon moment, est un pur délire d'absurdité et de révélations avec ce géant, j'adore. Toutes les scènes dans la Chambre Rouge sont impressionnantes, avec ce nain qui danse, fout les boules et parle à l'envers. Dérangeant mais du génie. Les 25 dernières minutes au coeur de la Black Lodge (ou quoi que ce soit) sont prenantes, complètement folles, terrifiantes et j'adore ce genre de trucs qui dépassent totalement la réalité en nous procurant des sentiments très bizarres. Bref, du grand art. On s'attache rapidement aux personnages mais on les quitte malheureusement trop vite.