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    42 ans après, on ne s'est toujours pas remis de la fin déchirante de ce chef-d'œuvre
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Film profondément humaniste, qui offre plus d'une fois aux spectateurs des ascenseurs émotionnels d'une puissance dévastatrice, "Elephant Man" s'achève par une séquence porteuse d'une charge émotive à fendre les pierres en deux...

    Au temps de l'époque Victorienne, John Merrick, connu sous le nom d'Elephant Man, est si hideusement déformé qu'il est condamné à la vie dégradante de phénomène de foire, au milieu d'un cirque itinérant. Régulièrement humilié et maltraité par son maître Bytes (Freddie Jones), un ivrogne cruel, John Merrick est alors découvert par un jeune chirurgien de renom, Frederick Treeves (extraordinaire Anthony Hopkins).

    Fasciné par ce personnage grotesque, il demande alors à Bytes de lui confier quelques temps Merrick, et le fait admettre dans son dispensaire, où il pourra le présenter aux étudiants de médecine dans ses cours d'anatomie. John Merrick a 21 ans, ne semble pas pouvoir s'exprimer oralement, et présente des difformités monstrueuses que Treeves, n'a, de sa vie, encore jamais vues de ses propres yeux.

    Carlotta Films

    "Pouvez-vous un seul instant imaginer quel enfer a pu être sa vie ?" lui lance le docteur Carr Gomm, son supérieur et directeur de l'hôpital. "Je crois que je peux, oui" répond Treeves. "J'en doute..." lui rétorque Gomm. Pour Treeves, cela ne fait aucun doute : en plus d'être incurable, John Merrick est un demeuré congénital.

    Logé à l'hôpital, plus ou moins secrètement dans une chambre individuelle, pour ne pas choquer les autres patients, Treeves découvre pourtant chez Merrick un être doué d'une grande intelligence et sensible, assoiffé d'amour...

    Un essai sur la dignité humaine

    Dans la galaxie des oeuvres de David Lynch, Elephant Man est sans nul doute celle qui reste la plus accessible de son auteur. Elle fut d'ailleurs cruellement et scandaleusement oubliée des Oscars en 1981 d'où elle repartira les mains vides malgré ses huit nominations dont celle du Meilleur acteur pour un inoubliable John Hurt, passé à la postérité sous les traits du personnage.

    Sans manichéisme, d'une grande honnêteté envers son sujet et son public, Lynch tisse au travers d'une admirable photographie en noir et blanc signée par Freddie Francis le récit de la beauté transfigurant la laideur. Un film profondément humaniste, qui offre plus d'une fois aux spectateurs des ascenseurs émotionnels d'une puissance dévastatrice.

    Comment oublier cette séquence, terrible, où Merrick est poursuivi par une foule curieuse dans la gare, traqué comme un fauve ? "Je ne suis pas un animal ! Je suis... Un être humain ! Je suis... Un homme !" lâche-t-il, avant de s'effondrer...

    Au bout du chemin de cette histoire inoubliable sur la dignité humaine, arrive l'inéluctable moment, porteur d'une charge émotive à fendre les pierres en deux. Merrick enlève son oreiller et s'allonge à plat pour dormir, acte suicidaire de délivrance à ses souffrances. "Ma vie est pleine parce que je sais que je suis aimé" disait déjà Merrick à Treeves, alors qu'ils s'apprêtaient à aller au théâtre.

    Et tandis que l'Adagio pour cordes de Samuel Barber se met à résonner, la voix de sa mère, d'une beauté infinie, murmure les vers du poète Alfred Tennyson, l'univers s'ouvre sur la tête de son fils rendant son dernier souffle de vie : "Jamais, non, jamais... rien ne meurt. Le courant coule, le vent souffle, Le nuage flotte, le coeur bat. Rien ne mourra".

    42 ans après, on ne s'est toujours pas remis de la fin déchirante de ce chef-d'œuvre absolu.

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